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Petites coupures de vie

Vacances. Coupure de deux semaines avant la fin, avant les partiels, avant les autres vacances. Je ne veux pas que cette belle année s'achève, je ne veux pas voir les jours filer à toute vitesse, je ne veux pas compter les cours qui restent, énumérer les heures, égrener les secondes.

J'ai si peur que tout ceci ne soit plus pareil l'année prochaine. Tant de doutes en moi.
J'ai si peur de perdre. Perdre... les gens. Les connaissances, aussi bien relationnelles qu'intellectuelles. Oui, c'est stupide.     Mais je ne veux pas.

Je veux continuer à arriver à huit de matin dans la nuit noire, ou au grand jour, et voir Pierre, Eloi, Natacha et les autres dans la cour, le café à la main, l'air un fatigué et le grand sourire aux lèvres.
Je veux apercevoir encore Hugo dans la masse des élèves, et foncer vers lui, pour qu'il me serre fort dans ses bras, et sentir tout cet amour qui m'enveloppe.
J'ai envie de passer éternellement nos déjeuners au jardin, tous affalés sur la pelouse, Pierre à la guitare et Eloi au saz, avec Elodie qui chante des chansons paillardes et Greg qui imite Tarzan...
Toujours goûter au plaisir de croiser les regards complices dans la salle ou l'amphi, et fourrager dans les cheveux roux d'Eloi, et jouer avec les dreads de Pierre.
Les après-midi bibliothèque, passés à s'exalter sur des texte de Sartre, et des vers de Rimbaud, des étincelles d'écrivains et poètes, des pages de littérature sublime.
Les soirées chez les uns ou les autres, avec ces bagages de bonheur et de mélancolie qu’elles apportent, les surprises, qui parfois font mal, qui le plus souvent transportent si loin, loin, sur les ailes du bien-être.


J’ai aimé vendredi après-midi, passé dans les bras d’Hugo.

Son corps lové contre le mien, et son menton dans mon cou. Le souffle qui expire dans ma nuque, et ses lèvres qui s’apposent sur ma peau. Ses caresses qui effleurent à peine mon visage, et je sens mon t-shirt à l’encolure trop large, quitter peu à peu mes épaules, jusqu’à sentir sa bouche qui parcourt mon buste.

Parfois, je me demande s’il est possible d’aimer si fort. Est-il possible d’avoir autant d’amour pour quelqu’un, cette sensation d’être si... accro ? N’est-ce pas un rêve éveillé, ne suis-je pas en train de vivre une parenthèse enchantée venue d’ailleurs, quelque chose de formidable, pour que bientôt, tout s’effondre, et que je ne retrouve plus rien ? Et en même temps, comme puis-je me poser cette question... Ce bonheur est si réel, comme puis-je en douter. Hugo est là, près de moi, tout contre moi, je le sens, je le sais, il est une partie de moi comme je suis partie de lui. Nous nous appartenons tout en gardant notre liberté, c’est ça, l’amour, en tout cas, notre amour, tel que nous le vivons. Ce n’est pas l’Amour avec un grand A, en tant que donnée universelle, puisqu’il nous est propre, puisqu’elle nous est particulier. Il est nôtre, et personne ne peut le vivre tel que nous le vivons.
Cette légère peur que ce bonheur s’écroule.

Oui, je suis souvent sur le fil. Tout juste sur le fil de la lame, j’évolue en funambule, je joue avec cette chance que j’ai, comme je l’ai fait avec Matteo.

Et lorsque je serre Hugo contre moi, j’ai la sensation d’être envahie par tout l’amour du monde.

 

Et Eloi...
J’ai parfois la sensation que quelque chose perdure en lui.
Je pense à notre conversation de jeudi midi, lorsque je suis allée déjeuner chez lui.

Tous les deux attablés dans sa minuscule cuisine envahie de bouquins, bouquins qui occupent la moitié de l’espace chez lui, quelle que soit la pièce. Jusque dans la salle de bain, empilés au-dessus de la douche, quelques vieux romans épiques du 19ème ; sous son lit, deux dictionnaires Larousse de 1961 ; dans sa cuisine, au gré des placards, on retrouve ça et là un recueil de poèmes de Jean Tardieu, les deux tomes de l’Education Sentimentale de Flaubert, un Agatha Christie tout fané.

Sur la table, un plat arménien, une de ses spécialités, qu’il me sert en jouant en petit air de saz. C’est tellement Eloi.

Les mots qui s’épanouissent, les langues qui se délient, nous parlons, nous parlons. J’aime tant ces discussions intenses que j’ai avec lui. Eloi est un être si particulier, si singulier, avec une personnalité incroyable, un mélange de mystère, de franchise, ce côté ‘dans sa bulle’ et en même si temps si sociable et ouvert. Un esprit des Lumières, un esprit de Nadja d’André Breton, ‘ouvert à la Merveille au quotidien’.

Et puis ses mots. Qui suggèrent doucement, en sourdine, sans s’aventurer trop avant. Parce qu’il n’oublie pas la promesse qu’il s’est faite.
De demander à son cœur de m’oublier.

- Tu es toujours aussi bavarde, Viva, c’est un plaisir de parler avec toi.
- Merci, je constate qu’en terme de bavardage, on est deux, n’est-ce pas Mr le Pape de la Littérature comparée ?
Il sourit.
- Mon p’tit Eloi, qu’est-ce que je ferai sans toi et tes déjeuners arméniens... Même si je jacasse sans m’arrêter !
- Mais tu sais très bien que c’est ça qui fait ton charme, ma p’tite Viva. C’est pour ça, et encore beaucoup d’autres choses, que tu es unique. La seule à ta façon. Toi.

Je le regarde, il sourit doucement. Et puis, ses yeux se détournent. Ils semblent fuir, un peu. Comme s’il en avait trop dit, à peine, mais juste un soupçon pour l’inciter à se rappeler à l’ordre. Quel ordre ?... Celui qu’un jour, malgré moi, je lui intimé. Celui que, plutôt, il s’est imposé. Pour ne pas avoir mal. Cet ordre qu’il a respecté si bien, que nous avons pu garder notre amitié si belle, au charme particulier et si agréable, savoureux. Ordre et désordres des sentiments s’entremêlent.
Je murmure :
- Toi aussi, Eloi, tu es unique. C’est pour ça que... je tiens tant à toi. Parce que. Voilà.

Il me regarde. Juste ce regard.
Et je prends conscience qu’avec Eloi, il y a toujours eu, un peu, cette ambiguïté. Même peut-être avant que je ne connaisse ses sentiments. Cet effleurement des esprits par la séduction délicate, ce raffinement et cette simplicité. Parce que dans toute amitié, il y a toujours, quoiqu’on en dise, une part de rapprochement, d’envoûtement particulier, au-delà d’une simple camaraderie garçon-fille. Il y a justement conscience de l’autre, la garçon, de la fille, et vice-versa. Conscience que si l’on est ami(e) avec lui ou elle, c’est justement parce qu’il nous plaît. Parce que quelque chose en la personne est désirable, source d’attraction, parce que l’on le désire un soupçon suffisamment pour avoir envie de sa compagnie.
Je le sais, et il le sait aussi bien que moi.

Alors, il ose s’aventurer une ultime fois sur le terrain du non-dit, pour juste suggérer ce qu’il s’est interdit, avant de se retirer. Peut-être était-ce cela, je l’ai ressenti comme ça.
Il dit doucement :
- J’ai si peur de vous perdre, l’année prochaine. Je sais que c’est stupide, parce que personne ne change de voie, de filière, parce que nous restons tous ensemble. Mais... je ne sais pas. Il y a cette peur du changement. J’ai la crainte que rien ne soit plus pareil. Crainte de vous perdre, de te perdre, Viva.
Il exprime la même peur que moi, la même peur, que nous ressentons tous deux. Lui aussi pense cela.
- Ne t’en fais pas, Eloi, il n’y a pas de risque que tu nous perdes, en tout cas, pas moi.
Il esquisse un timide sourire, et me regarde sans rien dire. Longtemps.
Suffisamment pour que s’instaure ce silence rempli de paroles muettes, qui veulent tout dire.

Il dit enfin :
- Tu sais, Viva, je ne vous oublierai pas. Je ne t’oublierai pas. Même si je le voulais, même si je souhaitais effacer ma mémoire, comme dans Eternal Sunshine of the Spotless Mind, je n’y parviendrais pas. Parce que... parce que c’est vous. Parce que c’est toi. Viva.
Je lui souris, ses mots me touchent plus profondément que je ne l’aurais pensé. Eloi, mon ami. Mon grand pote, avec sa tignasse ébouriffée, tous les deux frères de cheveux rouges.

Comme s’il avait senti qu’à présent, il était temps de ranger ses sentiments tout juste suggérés, du bout des doigts, comme des plumes que l’on souffle dans l’air,
il ajoute en rigolant, sur un ton plus léger :
- Merde, en fait, je tiens drôlement à vous !

J’éclate de rire, et me lève pour le serrer dans mes bras.
Je passe ma main dans ses cheveux, et l’étreins contre moi. Ses bras qui se referment autour de moi, et il rit.
Je chuchote :
- Moi aussi, je tiens à toi, Eloi. T’en fais pas. Je ne t’oublierai pas non plus.
On se serre encore un peu dans les bras, et puis nous rions tous les deux. Il se détache un peu de moi, me regarde, et me sourit encore plus grand.

- Allez, on débarrasse, faut qu’on file à la fac, sinon on va être à la bourre !
Il me lance les serviettes, et attrape la carafe d’eau, je range d’une main le pain, de l’autre je cherche l’éponge, tandis que lui lave à toute vitesse les assiettes, en fredonnant un chant arménien populaire. Le sel se casse la figure par terre et une pluie blanche se répand sur le sol, et nous éclatons de rire. Situation classique d’un jeudi midi chez lui, toujours un truc qui nous met en retard au dernier moment. On rit, sans pouvoir s’arrêter, tandis qu’il patine sur le sel, et dit : « Tant pis, on s’en fout, ça fait joli, ça me rappelle le sel pour dégivrer à Noël »

Hop, on récupère en 3ème vitesse les affaires de nos sacs éparpillées sur le canapé de son unique pièce, où sont mes clefs ? Argh j’ai oublié mon écharpe, tiens, file-moi mon portable sur la table, c’est bon, tu as tout, oui, non, j’ai laissé mon bouquin dans la cuisine, j’arrive tout de suite, vite, vite ! Allez, grouille, je manque de me casser la figure dans son tapis, je me raccroche à son manteau, on rigole tous les deux, et nous voici sur le palier. On s’engouffre dans l’escalier, un boucan infernal pour dévaler les marches, on est de vrais ados, c’est dingue, mais qu’est-ce qu’on s’en fout.

Courir pour attraper le bus, on se trouve un siège libre qu’on partage en riant, essoufflés mais heureux.



Ces petits moments de la vie, de mon année, de ma si belle année.


Et là, les vacances. Tout un programme. Fêtes et sorties, boulot et révisions en perspective.
Mine de rien, j’ai hâte.
Sourire.
Ecrit par Viva, le Lundi 25 Avril 2005, 14:08 dans la rubrique Actualités.

Commentaires :

Krystal
Krystal
25-04-05 à 14:38

Je crois qu'on a tous cette petite appréhension à l'approche des grandes vacances... (qui plus est quand on est en terminale...)...Pour vous c'est différent... non?
Et puis...(envisageons le pire), si jamais ça s'arrêtait...moi je crois au destin... alors... bref, tu m'auras comprise ^^

Jolie tribue en tous cas !! ;-)

 
Viva
Viva
01-05-05 à 20:49

Re:

Oui, les grandes vacances m'effraient un peu, mais à vrai dire, je ne me fais pas tant de souçi. Je me rappelle la fin de ma Terminale, on avait tous fini en pleurs le dernier jour, de peur de ne pas nous revoir... finalement, j'ai gardé contact avec deux, trois personnes. Les quelques amis, les vrais, on les reconnaît, on les garde. Le reste, pfuit, à la trappe... parce qu'on s'aperçoit que mine de rien, ces gens-là n'étaient pas forcément "les bons". Ce qui nous réunissait, c'était le même bateau nommé "Lycée", et pas grand-chose d'autre.
Alors, la fac, où chacun est ici parce que, la plupart du temps, il le veut, parce que ça l'intéresse, la fac, ça paraît souvent Byzance... les mêmes centres d'intérêt partagés, si on cherche un peu, les mêmes délires. Ca fait du bien!

T'as raison, vive le destin! :))
Bizz à toi!

 
Samhradh
Samhradh
30-04-05 à 18:18

ça donne envie :p Ce sont ces petits bonheurs quotidien qui font la beauté de la vie. Ahhhh c'est si beau la vie, ça vous met la larme à l'oeil (en fait, c'est surtout ta façon de la raconter et c'est ce qui rend tes écrits si ... merveilleux!)

 
Viva
Viva
01-05-05 à 20:50

Re:

Oui, mine de rien, ce sont les petits détails, les petits 1+1+1+1+1, qui font toute la magie de la vie... Sans ces petites choses, que ferait-on?
Ouh, je rougis pour le joli compliment... Mirci Samhradh!
Biiiiz à toi! :)