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Si fragile, si puissant
Ca faisait longtemps que je n'étais pas venue ici. Depuis... une semaine? Une semaine et quelques jours?...

Je me sens fragile, en ce moment.
Je ne sais pas par où commencer.

David est à l'hôpital, encore. En service psychiatrie.
Il n'est pas fou, non. Il n'est pas mort.
Il est "juste" psychologiquement perturbé.

Parfois, je me dis que c'est moi qui devrais être à sa place.

Quand je suis allée le voir, le lendemain de la nouvelle de sa tentative de suicide...
L'hôpital, à l'autre bout de Paris.
L'escalier qui résonne.
Les couloirs, quasiment vides.
Mes murs d'un blanc passé.
Quelque infirmières, en blouse blanche.

Sa chambre.
Lui, ses cheveux ébouriffés.
Les yeux fermés.
Ses grandes bandelettes autour de ses poignets.

J'ai eu tellement mal, lorsque je l'ai vu. Il dormait. J'ai attendu, à côté de lui, assise, pendant une demie-heure. Juste à le regarder dormir.
J'aurais presque pu croire qu'il était mort.
Juste pâle. Ses bras posés sur le drap. La bouche légèrement entrouverte.
Sauf qu'il respirait, il était vivant.

J'ai attendu.
Puis, il s'est éveillé. Il a ouvert soudain les yeux, bling, fixés sur le plafond.
Il a tourné la tête vers moi, m'a vue. J'ai senti toute l'intensité de la sensation qui l'a empli à cet instant précis. "Viva."
Il n'a même pas souri. J'ai vu ses yeux s'ouvrir plus grand, sa bouche se contracter, il a respiré profondément. Il me regardait d'une manière tellement forte. Comme s'il essayait de m'avaler par les yeux. Il me dévorait.
Et j'avais mal.

Il a redit mon nom, encore.
Et là, je n'ai pas pu me retenir, je me suis levée, penchée sur lui, et je l'ai serré contre moi. Fort.
"David, pourquoi tu as fait ça, pourquoi, pourquoi, pourquoi pourquoi pourquoi"
J'ai pleuré. Je ne pouvais pas m'arrêter. Je ne pouvais pas. Je l'ai serré comme je ne l'ai jamais serré, comme je n'ai jamais pris dans mes bras personne, comme si je sentais l'imminence de sa mort, comme si j'allais le perdre sur l'instant, et que je réalisais seulement sur l'instant que je ne le reverrais plus.
Il a dû se passer une minute, moi, lui, son corps presque inerte contre moi.
Puis, lentement, j'ai senti ses bras se refermer sur moi. D'abord les doigts, qui se sont posés timidement sur mon mes épaules, puis qui ont descendu jusqu'à mon dos, la paume des mains qui s'est aposée, l'avant-bras qui est venu, et puis, enfin, enfin, l'étreinte.
Il m'a serrée contre lui ; il a murmuré mon nom.

Qu'est-ce que je tiens à lui.

Et nous avons parlé. Un peu. Beaucoup. Je ne me souviens plus.
Je me rappelle particulièrement d'un moment.

"David, pourquoi est-ce que tu as fait ça...? Tu te rends compte à quel point ça m'a fait mal?...
- Je n'arrive pas à croire qu'on en soit arrivés là. Nous sommes si loin l'un de l'autre.
- Et tu pensais qu'en mourrant, tu te rapprocherais?
- Non, je voulais m'effacer pour te laisser exister."
Il y a eu un long silence.
Il a ajouté :
- Parce que moi, je n'existe pas sans toi. Je ne sais pas si tu te rends compte, mais sans toi, sans ta présence à mes côtés, je n'arrive pas à être. Je n'arrive pas à m'habiter.
Il me demande trop. Il me disait trop. J'ai répondu :
- En voulant t'effacer, tu m'a rappelé plus que jamais ta présence. David, je ne peux pas t'oublier. Je veux te le dire, je ne t'oublierai jamais. Tu es le premier. Pour beaucoup de choses. Même si tu tentes de t'en aller, de partir, de disparaître, en moi-même tu ne disparaîtras pas. Alors, ne fais pas ça.
Je tentais de lui faire comprend à quel point je tenais à lui, à quel point il m'avait fait souffir, par ce suicide, dans lequel j'ai bien plus vu un appel au secours qu'une volonté d'effacement pour laisser tranquille l'autre. Je voulais qu'il comprenne que je ne me leurrais pas, que je le comprenais, juste.

J'ai passé l'après-midi là-bas.

A un moment, il a commencé à dérouler ses bandelettes. Je le regardais, comme hypnotisée par ses gestes lents, et le rouleau autour de son poignet gauche qui diminuait, petit à petit, et le ruban blanc qui s'allongeait au bout de sa main.
Puis, il est arrivé à sa cicatrice.
J'ai murmuré : "Qu'est-ce que tu fais..." Je n'arrivais même pas à mettre l'intonation pour ça.
Il l'a regardée longtemps, je l'ai regardée longtemps, cette trace en relief sur sa peau, un peu gonflée, trait violet sur sa peau tellement pâle.
Il m'a dit : "Je ne voulais pas te faire de mal. Mais pour moi, cette cicatrice, c'est un peu une extériorisation de mon coeur sur ma peau. Une balafre qui fait mal, à celui qui la porte comme celui qui la voit."

David a toujours eu le don des mots.
Ici, plus que jamais.

Et puis, je ne sais pas pourquoi...
Je ne sais pas pourquoi j'ai fait ça...
Je suis perdue.
En partant, je l'ai embrassé. J'ai posé mes lèvres sur les siennes. Simplement.
Cela m'a rappelé le film The Hours, avec Nicole Kidman, Ed Harris, Meryl Strip et Julianne Moore. La scène où le personnage de Meryl Strip, amie depuis plus de 30 ans de l'homme incarné par Ed Harris, avec lequel elle a vécu durant un certain temps - un amour assez passionnel-, vient lui rendre visite. Ed Harris a le Sida, il vit dans un loft desafecté, dans un immeuble abandonné, au dernier étage. Il est très malade, un peu décharné. Mais beau, terriblement beau, et émouvant.
Au moment de partir, il lui demande un baiser. "Only one". Lui l'aime toujours, elle... le sait-on vraiment?... Souvenir d'un ancien amour très fort, elle ne sait pas, nul ne le sait.
Et il tend ses lèvres, ferme les yeux, comme un jeune homme recevant son premier baiser d'une fille qu'il aime passionnément. Elle l'embrasse.
Il va s'asseoir contre la fenêtre. La regarde. il murmure : "I love you".
Et il se laisse tomber par la fenêtre.

Ce baiser que j'ai donné à David m'a rappelé cela.
Je me suis levée, j'ai remis mon manteau.
Et j'ai senti.
Il attendait.

J'ai senti que si je ne lui donnais pas cette preuve d'affection, il allait courir je ne sais-où, loin dans les méandres de sa mémoire, de ses souffrances, je sentais qu'il serait bien plus fragile.
Et spontanément, j'ai approché mon visage, et l'ai embrassé.

Je ne sais pas si j'ai trahi Hugo.
C'est terrible.
Ils sont si différents, si semblables, si complémentaires, si innassociables, si incomparables.
J'aime Hugo. J'ai eu un amour passionnel pour David.
Et les lambeaux de l'un se mêlent aux pousses naissantes de l'autre.
Emmêlement qui m'emberlificote le coeur, ajoutant ça et là des épines qui blessent.

Je ne sais plus.
Ecrit par Viva, le Mardi 7 Décembre 2004, 14:38 dans la rubrique Actualités.

Commentaires :

envole-moi
envole-moi
07-12-04 à 18:45

Quel article... Bouleversée, je suis.
Emue.

Ma mémoire est un scaphandirer qui suffoque
Tout au fond de la mer
Il pleure sur le trésor qu'il ne remontera jamais
Ma jeunesse est morte hier

[Cali]


 
AnnaH
AnnaH
07-12-04 à 22:20

Re:

tu n'as rien dit à Hugo de cette visite et bien sûr, sur ce qui s'est passé pendant ? cet article est bouleversant par le tableau qu'il peint...
gros bisous à toi.

 
Etoile-Filante
Etoile-Filante
08-12-04 à 18:14

Re: Re:

Cet article est vraiment boulversant... Bon courage...

 
Viva
Viva
29-12-04 à 00:50

Re: Etoile-Filante

Merci Etoile-Filante... à la prochaine...

 
Viva
Viva
29-12-04 à 00:49

Re: Envole-moi


J'ai mis un peu de temps à répondre, désolée du retard... Je tenais à te dire que j'aime beaucoup te lire... Si j'arrive à transmettre un peu de cette émotion qui est en moi, c'est sans doute parce que tout ceci peut arriver à n'importe qui, malgré les apparences "hors du commun"... Dis, je ne sais plus si je t'ai dans mes liens, mais si ce n'est pas déjà fait, je peux?

 
neowitch
neowitch
09-12-04 à 23:12

Je ne sais pas

si des mots peuvent t'aider, sache juste qu'ici, tu n'es pas jugée...et que pars conséquent, ne te sens pas coupable, qui n'aurais pas fait ce geste...j'admire sincèrement ta force, tu as aussi un don d'écriture, les larmes me montent aux yeux...
Je n'ai absolument pas eu la même expérience ( je n'aime pas les "ouais j'te comprends" car chacun sait ce qu'il vit) c'était un ami, il m'as fait perdre la tête avec ses tentatives, pour un amour fini...il n'as plus recommencer, a partir du jour il m'as vu craquée, je me suis jetée sur lui avec un couteaux de cuisine, en le menaçant de le tuer moi même, bien entendu mon but était juste de l'effrayer pour qu'il comprenne la souffrance qu'il nous affligeait chaque jour...
 A chaque situation, apparaît une solution, je suis sûr que tu la trouveras, tu es magnifique dans ton coeur et âme...Alors ne culpabilise PAS d'être heureuse et vis tes moments de bonheur...
Voilà, je te souhaite pleins pleins pleins de courage, de tendresse...
p.s : Excuse moi de pas avoir réagi plus tôt, j'ai tellement de choses qui changent en ce moment, je veux que tu sache que j'apporte mon soutien comme je peux! 

 
neowitch
neowitch
09-12-04 à 23:13

Re: Je ne sais pas

Quand je dis geste, je parle du bisou

 
Viva
Viva
29-12-04 à 00:54

Re: Je ne sais pas

Merci beaucoup pour ton commentaire qui me touche vraiment, Noewitch!... Merci poue ce que tu appelles "don d'écriture"... je ne sais pas si c'en est vraiment un, disons que je sens les mots qui montent, et je ne peux m'empêcher de les écrire...
Je te cite : " ( je n'aime pas les "ouais j'te comprends" car chacun sait ce qu'il vit) ". C'est tellement vrai, tu as raison, tellement raison!
J'essaie de ne pas culpabiliser, en ce moment je fais le point, et je tente de vivre pour moi, pleinement, en oubliant un peu les demandes extérieures, notamment celles de David... Il est temps que je récupère, bien temps.
Tu t'es jeté sur ton ami avec un couteau de cuisine?! Je ne sais pas si j'aurais osé faire ça, même pour rire... en tout cas, ton anecdote m'a fait sourire, et en même temps, j'ai reconnu un peu de ce désespoir que l'on a parfois...

Encore merci pour ce commentaire,
bizz à toi!


 
Dana
Dana
12-12-04 à 11:18

Tu n'as pas à t'en vouloir :)... il en avait surment besoin de ce baiser...
C'est beau malgré tout... dramatiquement beau...