Comme le disait samedi Pierre, "la vie est parfois un cliché gigantesque, et c'est ça qui la rend meilleure"... Notamment au cinéma.
Mardi (eh oui, en fac, il y a plusieurs samedis par semaine...). Pierre, Natacha, Eloi, Hugo, Sandra, Ben et moi. Un après-midi à sept, passé à zigzaguer dans les rues de Paris, pour finir au ciné. Joyeux brouhaha dans la queue, nous allons voir Closer. Personne ne connaît exactement l'histoire, mais chacun émet déjà des hypothèses quand au sulfureux Jude Law... Disons plutôt que les filles fantasment, et les garçons feignent l'exaspération... Au tour de Nathalie Portman, curieusement, les voix féminines se font plus rares... Etrange, non? nous nargue Ben en riant...
La salle est grande, aux trois-quarts remplis, une rangée presque entière se lève pour nous laisser passer. Eloi n'en revient pas qu'une vieille nous crie "Chuttt!" alors que sur l'écran, un jeune homme vante les bienfaits du pass Allô Ciné. "Oui, en retard, mais c'est la pub, madame! On est plus en 1900, le film, c'est après!" Et nous tous d'exploser de rire.
Je me retrouve assise entre Eloi et Hugo, avec Pierre à la gauche d'Eloi, Natacha à la droite d'Hugo, et les deux autres chacun à un bout. Bavardage pendant tout le temps de la pub, on s'amuse à faire des voix-off sur les bandes annonces, Pierre s'en donne à cœur joie, prend sa voix de Dark-Vador sur la bande annonce d'Aviator : "Notre héros saura-t-il un jour s'en sortir? Pourra-t-il un jour perdre sa ride qui lui coupe le front en deux?" (si, si, regardez bien, Léonardo di Caprio a une ride toute droite juste entre les deux yeux!)
Et le film
commence.
Les sourires de Julias Roberts, le regard de Jude Law, les relations érotico-amoureuses
défilent sur l'écran, dans un chassé-croisé qui me devient peu à peu indifférent.
Mon bras juste à côté du sien, son pull relevé et mon t-shirt court, j'ai comme
l'impression qu'un tison brûlant est placé juste entre nos deux peaux.
Il se recale au
fond de son siège, je croise les jambes. Je remets une mèche derrière mon oreille,
il se passe la main sur
Je me tourne vers lui en rigolant doucement, qu’est-ce que je me fous du film.
Un peu gêné, il me sourit, et se passe la main dans
Et nous tournons à
nouveau nos yeux vers l’écran.
A la sortie, c’est
sept taupes aux yeux tout petits qui émergent, dans la rue ensoleillée.
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Le soir, c’est une
fête de plus, chez Natacha, cette fois-ci. Le grand appart de ses parents,
au dernier étage d’un immeuble haussmannien, assez bo-bo, bourgeois bohème. A
nouveau, nous sommes une vingtaine, avec les sept du ciné de l’après-midi, et d’autres, des amis de Natacha que nous ne
connaissons pas, certains appartenant à d’autres UFR à la fac.
J’aime la musique
qui passe, bossa-nova, milonga, tango, samba, j’aime ces musiques
sud-américaines qui détendent l’atmosphère, et ajoutent un brin de sensualité… J’aime
danser, sans me déhancher comme une bimbo, mais juste ce qu’il faut, avec le
plaisir d’être là.
Et rire lorsqu’
Eloi m’invite à danser, feignant d’être un gentleman pompette, un dandy
ivre : « Mademoizzzelle, m’accordez-vous cette danseuh ? »
Je m’accroche à son cou, il enlace ma taille, et c’est parti pour quelques
minutes de samba... Pas très sérieuse,
On enchaîne sur un rock endiablé, en se démenant comme des sauvages. Lueurs
d’ivresse qui passent dans les yeux, on mène
Et je tourne, je tourne, je perds Eloi entre deux couples. Et hop, je passe de
bras en bras, tout le monde échange ses partenaires, tiens, c’est Pierre, puis
un garçon que je ne connais pas, avec un t-shirt vert bouteille, puis Ben, qui
semble déjà passablement joyeux (quel euphémisme...), puis un autre garçon qui
tente de me faire goûter à la tequila-crème-fraîche, mais non merci, pas pour
ce soir... Et puis j’atterris quelque part encore.
Et me voilà
soudain tout contre Hugo. « Bonsoir... »
Je lève la tête, ses yeux, les miens, j’ai l’impression d’un rapprochement
brusque, imprévu, comme au cinéma, lorsque les deux acteurs se retrouvent nez à
nez au détour d’un couloir.
La musique a changé entre temps, c’est une sorte de bossa-nova qui se danse
très lentement, pas un slow, mais presque... La sensualité en plus. Je
reconnais, elle correspond parfaitement à la description du
« collé-serré » que Pierre m’avait donnée l’autre jour. Je détourne
la tête vers la gauche, et tiens, comme par hasard... Pierre est aux platines.
J’échange avec lui un rapide regard, il a le sourire complice au fond des yeux.
J’ai dû rougir en me retournant vers Hugo.
La musique avance,
je passe mes bras autour de son cou, et je sens les siens qui viennent se
glisser sur mes hanches. Je frémis, j’ai l’impression que je vais tout faire
sauter, comme si j’étais, une fois de plus, une centrale électrique géante, et
en même temps, une feuille de papier extra-fine, que l’on caresse du bout du
doigt, tout dans
Peu
Autour de nous, d’autres couples, plus ou moins sérieux, enlacés, mais tout
s’efface ; devant mes yeux, des couleurs chaudes, ocre, brun, roux, jaune
safran, couleurs de l’appartement et la musique, j’ai envie de fermer les yeux.
Et je ferme les yeux.
Et je danse, là, contre lui, contre Hugo. Comme j’aurais envie à cet instant
qu’il soit mien... Qu’il soit vraiment mon
Hugo. C’est fou comme le simple fait de ne plus rien voir exacerbe les sens.
Mon corps est si réceptif en cet instant... Je sens sa main qui lentement,
doucement, me caresse à peine le dos. Mon visage se rapproche de plus en plus
de son cou, mes lèvres frôlent presque sa peau. Oh, c’est terrible comme là,
soudain, l’odeur d’Hugo vient à moi. Son odeur. Si particulière, indescriptible,
un mélange de son parfum très léger, de la fragrance qui imprègne tout son
corps, cette odeur si masculine, où l’on sent cette force et cette
vulnérabilité mêlées, et qui émeut soudain...
Mes lèvres sont
sur sa peau, elles l’effleurent, un peu, puis de plus en plus,
et je sens sa tête qui descend vers la mienne, sa bouche contre mes cheveux.
J’entends son souffle dans mon oreille, ce souffle singulier, pas lisse et
simple, mais ce souffle de m’émotion, composé de ce tremblement... Oui, le
souffle qui tremble un peu, qui frémit avec tout le corps.
Je ne peux pas décrire la sensation qui m’habite, par ce contact rapproché.
J’aurais envie de le serrer soudain, contre moi, j’aurais envie de le serrer à
l’étouffer, de m’imprégner de son corps, de manière presque bestiale, de lui
enlever son t-shirt et de sentir sa peau contre la mienne, instinct animal, de
mélanger nos sueurs, j’aurais envie de fusionner avec lui, presque...
Mais il y a cette petite distance, d’un, deux centimètres entre nos corps qui s’emboîtent
presque l’un dans l’autre, cet espace brûlant, qui me donne l’impression qui
mon corps bout, et qui rend tout si fort, si intense, qui produit cette joie
étourdissante, cette sensation de bonheur qui drogue, mêlé au déchirement de
l’attente, cette envie si terrible de posséder l’autre.
Je l’entends
soudain murmurer : « Viva... »
Je chuchote à mon tour : « Hugo. »
Simple échange de prénoms, après la reconnaissance des corps, vient la
reconnaissance de la voix, du nom.
Je l’entends sourire, et il me serre un peu plus contre lui. Je souris encore
et encore.
Et mes lèvres viennent rencontrer sa peau ; et cette fois, j’y appose mes
lèvres, vraiment. Ma bouche qui embrasse son cou, entre la pomme d’Adam et
l’épaule, et je le sens qui vibre, qui frissonne. Ma tête contre son épaule
s’abandonne, il rit, il sourit, je me sens bien, si bien.
La samba continue son chemin.
Et le reste de la
soirée, après s’être séparés à la fin de la danse, passé à nous regarder, de
loin.
Ben s’est trouvé une copine, un flirt d’un soir, ils s’embrassent en zigzaguant
dans
J’embrasse tout le monde, on rit, on a froid, alors vite, vite,
Face à Hugo, ses yeux dans les miens. Je le regarde une seconde fixement, on se
sourit. Sandra nous fait : « Allez, allez, vite, on se presse, moi j’ai
froid, euuuuuh... ! » Elle ne sait pas, seuls Pierre et Natacha savent pour nous deux. Personne n’a
deviné, je l’ai bien vu dans la suite de
Il est temps de se
séparer, notre petit groupe s’éclate, certains partant par groupuscules de deux
ou trois, dans la nuit sur nos épaules. Un dernier regard en arrière, tous
avancent, et Hugo se retourne à demi, et me sourit.
J’emporte son sourire par-dessus la ville
endormie et par-delà la galaxies...
Tiens, j’aime bien cette dernière phrase que je viens d’inventer.
Eloi me
raccompagne, j’ai découvert qu’il n’habitait pas très loin de chez moi. On
marche tous les deux silencieusement, un silence plein, pour deux. Complicité
muette, puis peu à peu la conversation se tisse.
Devant ma porte, il me baise la main en riant : « Je vous salue,
madame. » Je le regard d’un air un peu moqueur, et il rajoute très vite,
faussement confus : « Mademoiselle, pardon »
On bavarde encore cinq minutes, puis il s’en va, avec sa démarche à la fois
dans la lune et sûre d’elle, bref, du Eloi tout craché.
Lorsque j’arrive
dans l’appartement silencieux, je laisse glisser à terre mes affaires, dans le grand salon. Pas envie de dormir tout
de suite.
Alors, je prends un pull, j’ouvre la fenêtre qui donne sur les toits, avec le
bruit du boulevard au loin, et je m’assieds sur le rebord. Le vent un peu
froid, je m’enfouis dans la laine douce.
Le regard qui se perd.
Je fume ; j’aime mes doigts qui dépassent tout juste du pull, et tournent
le briquet, pour voir la petite étincelle se produire, et allumer le bout de la
cigarette.
Quelque part dans
la nuit, il y a quelqu’un d’autre, comme moi, assis à sa fenêtre, qui fume. Je
vois le petit point orange foncé, si reconnaissable. Il doit être à... trois
cents mètres ? C’est loin.
C’est bête, mais
ça me faire sourire, tout doucement.
Commentaires :
Re:
Cependant, les hauts voisinent aussi avec les bas, j'espère qu'il n'y aura pas de ces derniers de si tôt... Comme tu le dis, je profite...
je te remerci pour ta réponse à mon commentaire de la dernière fois... ce fut un plaisir ;-)
tes jolies histoires me font tourner la tête et je t'envie, j'apprécie énormément ces débuts de relation, se cacher, s'extasier sur un petit rien qui fait toute la différence, sa simple odeur qui nous transporte... j'aimerai re vivre ça... ^_^
comme le dit si bien kabotine... profites!
bisous
Re:
C'est vrai que tous ces petits rien d'un début de relation sont... des petits "tout" à leur manière! C'est justement ce "pas grand-chose" qui fait ce "si important"...
Bizz à toi! :)
Re:
Ca c'est moi dans les instants qui suivent la lecture de tes articles. :)
Gros bizoox.
Re:
C'est incroyable, malgré le fait que je ne connaisse pas Pierre et Eloi, j'adore déjà ces deux personnalités...c'est que tu écris vraiment bien... avec un réalisme poignant... et tous ces détails, qui me tiennent en haleine et me font penser, l'espace d'un instant que je ne suis plus devant un écran, un texte, mais que je vois la scène, observant, dans un coin de ta tête...
En tous cas, profite...intense bonheur...
Re:
Waw, c'est bête, mais je suis toute émue! Merci merci!
Re: Re:
Et puis, j'adore aussi le théâtre et... les mots, tout simplement...mais, juste quand ils sont magiques... les tiens le sont.
Bisous.
Cabotine
Profite, c'est tellement beau...