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Des méandres au creux des reins...

J’ai dérapé. Dérapé, était-ce le bon mot. Dérapage incontrôlé mais savouré. A sa juste valeur. Quelque chose d'éternel, un parfum accroché à la peau, un bout d'autre part qu'on garde dans la poche et dans les yeux, qui met le coeur à l'envers à la raison devant-derrière. Quelque chose de moi et d'autre, de part et d'autre, comme un sucre qui a failli faire tourner la tête, mais qu'on a croqué, parce que soi, parce que l'autre.
J'ai bien aimé.
Hier ou aujourd’hui, tout se confond.
C’était... Samedi soir. Dimanche matin. Aujourd’hui. Demain. Cela m’accompagnera.

 

Il est sept heures, je paresse agréablement à ma fenêtre, regardant les toits de Paris, un livre dans la main. A vrai dire, je laisse plus errer mon esprit que je ne lis. Je savoure cet instant paisible, dans la quiétude d’une fin d’après-midi.

Mon téléphone sonne : c’est Karine, une cousine que j’adore, une « presque-sœur » du côté maternel. Je suis toute joyeuse de l’avoir au bout du fil, ça fait longtemps que je ne l’ai pas vue. Justement, elle me propose de passer chez elle ce soir, pour une grande fête qu’elle organise, un peu au dernier moment, « mais bon tant pis, on s’en fout, et puis il y aura plein de monde, plein de B.G.s !! » Les B.G.s sont une plaisanterie entre nous, cela veut dire Beaux Gosses, et lorsque nous étions petites ados, on pouffait comme des folles dès qu’un d’entre eux passait près de nous. - Qui a dit pitoyable ?.. -.
J’hésite un instant à venir, je suis un peu fatiguée, j’avais prévu de me coucher tôt… Elle insiste, me déballe une vingtaine d’arguments plus loufoques les uns que les autres, et termine sur un : « Eh ! Tu es devenue une nonne ou quoi ?! Viva n’est plus la fêtarde qu’elle était ? » en explosant de rire, qui achève de me convaincre de venir.

La fête débute à huit heures, « jusqu’à l’aube ! », a-t-elle dit. Je n’ai pas cours le lendemain, tant mieux, je vais pouvoir m’amuser. Tant pis si je ne connais personne, l’anonymat ne sera pas plus mal, j’ai envie de voir un peu de neuf…

Hm, j’ai environ un quart-d’heure devant moi pour me préparer, étant donné qu’elle habite assez loin. Je passe rapidement en revue mon armoire, toujours aussi bordélique, me décide pour un débardeur et un pantalon thaï, je prends une ma veste à capuche fétiche, ma ballerines plates, et hop, me voici dehors.

Dans le métro, je croise le regard d’un beau garçon, ça fait toujours plaisir…

Et puis, débute cette folle soirée, cette inoubliable soirée, qui va être riche de tant de choses, sans contrôle ni limites, une soirée de beauté fulgurante, d’esquisses d’envies et d’accomplissement d’absolu. Une soirée où je m’abandonne, où je mets ma vie entre parenthèses, où je me laisse happer par le chemin du présent qui passe et ne revient pas, avec un certain plaisir.

Mais je ne vais pas trop avant. J’ai besoin de raconter cela, bout par bout, brique par brique, plan par plan, comme au cinéma, pour vider mon esprit qui pense, qui se repasse cette soirée, cette nuit, comme une vidéo, dont la bobine s’effiloche tout en se renforçant de plus en plus, obsédante.
Besoin de mettre les mots. De dire. D’expulser, pour mieux garder, ou pour jeter, je ne sais pas encore.

Lorsque j’arrive, il est neuf heures, mon bus est resté coincé une demie-heure dans les embouteillages, et il a fallu que je fasse un détour par le supermarché du coin pour au moins apporter une bouteille...
Je ne m’attends à rien, je ne connais personne, peut-être un ou deux cousins. Anonymat et inconnu sont les maîtres mots auxquels je me prépare. Pas plus mal, peut-être.

Je monte les étages de cet immeuble que je connais si bien, puisque j’en ai gravi les marches durant toute ma petite enfance. Ca faisait longtemps… combien ? Six mois ? Déjà ?
J’entends de la musique et un brouhaha qui s’échappe de la porte. Il faut que je sonne ; je lève la main sur la sonnette, et quelque chose m’arrête. Ma respiration s’est accélérée. En fait, j’ai peur, je crois. Je suis intimidée. Oui, pour la première fois depuis longtemps.
Allez, je sonne.

Karine m’ouvre, toute pétillante, dans un grand hurlement de joie : « Mais c’est ma Viva !! ». Elle me serre fort fort dans ses bras, et j’entends comme un écho à ses paroles : « Mais c’est Viva ! ». Je lève la tête, et vois un grand type d’au moins 1m90, qui nous regarde, tout sourire. Karine se retourne et le punche doucement en riant : « Tu es trop bête, Manu, arrête de te foutre de moi ! ». Ledit Manu prend un petit air mutin et lui sourit, complice, avant de se tourner vers moi :
- Alors, c’est toi, Viva ? , à quoi je réponds, entrant dans le jeu :
- Je suis si connue qui ça ? 
- Non, en fait, je connais ton prénom que depuis dix secondes !
Karine nous présente, tout en riant, et ajoute :
- Manu est un grand faux séducteur, tu vas voir...
- Ah oui ? Enchantée, je réponds, toujours en me marrant.

Karine me pousse vers le salon, escorté du grand Manu. Quelques visages se tournent vers nous, un monde fou a envahi l’appartement, il doit au moins y avoir quarante, cinquante personnes.
Karine me met tout de suite à l’aise, par sa gaîté et sa chaleur ; elle rit, elle évolue, me passe un verre de gin-tonic, et me présente de groupes en groupes. Ici des vieux amis à elles, que je me souviens vaguement avoir déjà vus quelque part, là des potes de fac, ailleurs, des copains de lycée...
Nous devons bien passer une heure à faire le tour des trois-quarts du salon, nous arrêtant à chaque groupe pour converser un peu.



Nous arrivons à un groupe de quatre cinq personnes, devant une des fenêtres du salon.
Karine a l’air de bien les connaître, elle me dit :
- Viva, voici Kheokumikoaaroneliccelucieemileetmatteo.
Je mets dix secondes à déchiffrer ce qu’elle vient de me dire. Elle répète en riant, plus lentement, cette fois-ci :
- Viva, ce sont Kheo, Kumiko, Aaron, Elicce, Lucie, Emile et Matteo.
- Aaaaah !
J’ai enfin compris, et souris au petit groupe. Ils sont tous des étudiants Erasmus, qu’elle a rencontrés à la fac, sauf Lucie et Emile, qui sont français. Cela fait depuis le début de l’année que les autres sont à Paris.
Kheo et Aaron sont Egyptiens, Kumiko japonaise, et Elicce et Matteo italiens. L’aisance qui émane d’eux me fascine. Contrairement aux nombreux étudiants étrangers que j’avais déjà rencontrés auparavant, pour eux, le langage n’est pas une barrière ; ils parlent tous très bien français, je suis assez impressionnée, dès les premiers mots échangés. Tous semblent très à l’aise ; ils commencent tout de suite à me faire la conversation, hormis Aaron et Matteo qui m’ont rapidement saluée, pris dans une discussion qui semble assez animée.

Kheo me regarde avec un air de bonté qui me met tout de suite à l’aise. Il y a une sorte de naturel chez lui, qui met en confiance. Kumiko a un léger accent, mais sa maîtrise de notre langue m’ahurit. Elle utilise des formules que peu de gens emploient encore aujourd’hui, c’est du français soutenu, et son humour fin me fait rire. Elle est vraiment très jolie, avec ces traits asiatiques qui sont parfois si purs, si doux ; les yeux bridés et les longs cheveux noirs, gracieuse.

A côté, Matteo et Aaron continuent toujours à converser. Matteo me lance parfois de petits coups d’oeils, rapides, tout en répondant à Aaron.
Quelque chose en lui me donne envie de le dévisager, de le regarder.

Il est grand, avec une allure décontractée. Il porte un t-shirt vert sombre, et un jean usé. Ses boucles brunes lui effleurent un peu le visage. Je ne sais quoi en lui m’attire. C’est plus fort que moi, il faut que mes yeux soient aimantés vers les siens, tandis que je parle.
Il me regarde tout en parlant avec Aaron.

Ce dernier a un physique que l’on croirait tout droit sorti d’un film : grand et svelte, la peau mate et les yeux en amande, dont le contour semble repassé au crayon, les cheveux noir de jais, il est assez fascinant. Il a un tatouage en forme de hiéroglyphes sur le bras droit. J’ai l’impression d’être dans un péplum lorsque je le regarde, ce que je dis à Kheo lorsque celui me demande ce que je regarde. Il éclate alors de rire, et appelle Aaron, car « c’est vraiment trop drôle ! ».

Tous deux se dirigent vers nous. Quelque chose en moi se tend, comme si une petite main se refermait dans mon ventre.
Kheo répète mes propos à Aaron, en égyptien (enfin, en arabe ; je ne connais pas la langue). Celui-ci rigole, et me sourit. Il dit :
- Alors comme ça, j’ai une présence pharaonique ?
Tout notre petit groupe rigole, on parle un peu, et puis soudain, Elicce s’exclame :
- Mais, je ne vous ai même pas présentés !
Il se tourne vers Matteo, et avec un enthousiasme qui me surprend et me flatte à la fois :
- Matteo, c’est Viva, dit-il avec une légère inflexion sur le « Vi », una bellissima francese ! Elle est très jolie, no caro, pas cher, je te la vends combien ? s’exclame-t-il en éclatant de rire.
Je ris aussi de le voir jouer le faux marchand, et regarde Matteo.
Celui-ci a posé les yeux sur moi. Il me regarde un instant, et :
- Buena note, signorina. Tu es Viva ? Moi, c’est Matteo. Je crois que l’on dit « Enchanté », en français.
Sa voix a tout de suite sur moi un effet envoûtant. Même si Elicce a le même accent que lui, sa voix est plus chantante, plus profonde. Il me regarde simplement, avec un retrait, une retenue certaine. Il est posé, et me sourit.

Je suis bien, juste à côté de lui, à la regarder, à le voir me regarder. J’ai envie de rester comme cela, sans rien faire ni dire, peu importe, du moment que je peux le voir. Quelque chose me pousse irrésistiblement vers lui, faut que je reste près de lui.
Ses yeux sombres ne décollent pas de moi, tandis que je parle encore avec Elicce et Kumiko.

Je me sens brûler, je suis juste à côté de lui et il me semble que c’est encore trop loin. Il m’attire, il est beau, beau, tout simplement.

Je parle encore pendant longtemps avec le groupe Erasmus, et je m’entends bien avec eux. Je suis bien ; voir de nouveaux visages me fait un bien fou. Je n’avais pas réalisé que cela faisait plusieurs mois que je n’étais pas vraiment sortie du monde de la fac. Ici, c’est un bol d’air, complètement neuf, un oxygène presque exotique, comme si j’avais oublié le monde autour.


Puis, je me retrouve sur le balcon, à fumer une cigarette ; le salon est devenu une fournaise, par la chaleur des corps, j’avais besoin de prendre l’air.
Paris est devant moi, par-delà les immeubles, les rues et les toits.

L’air de la nuit sur ma peau, il doit être minuit, peut-être. Un coup d’œil à ma montre me confirme que oui.

Je sens soudain une présence dans mon dos.
Je sais que c’est Matteo, je le sais.

Il est juste derrière moi ; je peux entendre sa respiration, près de mon cou. Respiration qui se rapproche peu à peu. Je reconnais son souffle, cette présence si particulière qui m’a fascinée.

Et sa main s’appose sur hanche, doucement. Je ne bouge pas ; tout mon corps frémit, et tend tout entier vers la caresse. Je ne pense qu’à l’instant.
Qui ne dit rien consent, je le sais.

Ses lèvres viennent rejoindre mon cou. Sa bouche est comme un tison sur ma peau.
Puis elle la quitte.

Quelques secondes passent.
Il est toujours derrière moi.

Je me retourne. Et le regarde.
Sa beauté me stupéfait.
De nuit, il est encore plus beau que de jour. La lumière provenant de l’intérieur joue avec l’ombre sur son visage, en mettant en relief les formes, d’une manière presque sculpturale.

Ma respiration est rapide, rapide, comme le rythme de mon cœur ; j’ai la sensation qu’il déborde de partout, que je ne peux contenir les pulsations de mon sang, c’est quelque chose où le corps domine, exerçant sa douce tyrannie sur la raison des sentiments, paradoxalement.

Nous sommes tout près, quelques centimètres nous séparent ; j’ai envie m’accrocher à son cou et de me coller à lui, j’ai envie, j’ai envie... Je ne sais même pas, je ne pense qu’à lui, plus moi.

Il se penche soudain vers moi, et ses lèvres viennent trouver les miennes.
Tout tourne autour de moi, je me sens saoule, enivrée de l’alcool du désir.

Nous nous embrassons, encore et encore. Ses mains sur mon visage, ses lèvres dans mon cou, je l’enlace.

Et puis, il retire soudain ses lèvres, et me regarde.
Il tend vers moi ses mains, qui viennent s’apposer sur ma taille. Lentement, elles cherchent mes formes, m’effleurent à peine dans la nuit ; c’est du suggéré, une invitation imminente au voyage. Je sais que par ces caresses à peine esquissées, il me propose un autre billet pour un voyage plus long. Je sais que c’est à moi de choisir. Je ne réfléchis pas, je ne veux pas penser. Je veux juste sentir.
Alors, je mes mains sur les siennes, et les laisse posées sur mes hanches. Ca y est, nous avons tracé un trait sur tout ce qui nous entoure. Le referendum est fait, le oui a gagné.

Il me prend la main, et nous rentrons à l’intérieur du salon bruyant. Je trouve Karine, lui fait un signe de la main pour lui dire que je m’en vais, elle m’envoie un bisou du bout de la main, à bientôt, à bientôt, je lance un « tchaô » au groupe Erasmus, on se fait bientôt quelque chose, d’accord, à la prochaine. Je ne sais pas s’ils me voient avec Matteo, peu m’importe, l’essentiel est que je parte.


Nous voici dans la rue, dans la nuit, dans le noir.
Sa main dans la mienne, nous nous regardons en marchant silencieusement.
Il a des yeux tellement incroyables, si expressifs. J’y sens le désir brut, et le désir plus raffiné, l’apaisement et l’électricité qui nous anime, la complicité et la légère autorité subtile, mêlée à la fascination pour moi, je sens tout, je sens qu’il a envie de partager l’instant, mais sans jouer le rôle de mâle dominant, il veut des parts égales, pour la beauté du moment.

Nous marchons dans les rues jusqu’à un immeuble à deux pas, pendant cinq minutes. Sous le porche, il m’embrasse, une seconde fois. C’est tout un courant qui se propage en moi, j’inspire intensément, il le sent. Il me serre contre lui, et puis se détache, pour ouvrir la porte.

Nous montons l’étage, il a le visage dans mon cou. Ses mains glissent sur mes hanches, m’effleurent sensuellement, tout dans l’esquisse et le demi-geste, il sait me rendre impatiente et il le sait. J’ai vaguement conscience que je joue un jeu, et pourtant, je me laisse enivrer par ses caresses qui me mettent la peau en feu. Je le désire presque bestialement, oui, je le sais, je l’admets, j’ai envie de son corps, j’ai envie qu’il me dévêtisse et découvre ma peau centimètre par centimètre, j’en brûle d’envie, et je le sais. Consciemment.

Devant sa porte, il m’embrasse encore, caressant mes lèvres avec les siennes. Ses mains remontent son mon débardeur et trouvent mes seins, ça y est, je sais qu’à présent, il est impossible de reculer, et ça ne me fait pas peur, j’éprouve même un plaisir terrible à être là. Mes mains lui enlèvent son t-shirt, et tout en m’embrassant, il ouvre sa porte, et nous voici dans son studio.

Quelque chose de plus fort que nos consciences nous empêche de nous séparer pour le moindre instant, nous restons accrochés l’un à l’autre ; ce n’est plus l’esprit qui domine mais l’attraction des corps, l’attraction animale et sensitive.

Lorsqu’il me renverse sur son lit, au milieu de l’unique pièce, l’image du Hugo me traverse un instant l’esprit, je vois son visage, ses yeux qui me regardent. L’once d’une culpabilité pénètre rapidement en moi, mais pour en ressortir tout aussitôt : les mains de Matteo m’enlèvent doucement mon débardeur, tandis que ses lèvres s’égarent sur ma poitrine. Je ne peux pas résister, je le sais, j’ai même l’envie dévorante de me jeter moi-même dans ce gouffre dans lequel je me noie. Ses mains moulent mon corps, elles le pétrissent, le malaxent, l’effleurer et l’enlacent. C’est une sorte d’implosion des sens qui exerce sur moi son empire, sans droit au chapitre.

Nos torses l’un contre l’autre, nos peaux en contact, je ne suis qu’un corps qui répond aux caresses, je ne suis que désir et envie. Je ne pense pas, je ne pense plus, je ne réfléchis pas, tout est instinct, uniquement.

Je suis entièrement livrée à lui, qui m’aimante, m’obsède, je veux le découvrir tout entier, je veux le caresser, l’avoir à moi, pour moi. C’est quelque chose d’indicible, de si fort, où oui, le corps domine tout entier la raison, les sentiments si vrais qui nous habitaient il y a quelques heures.

J’ouvre les yeux, soudain, vraiment, et le regarde.
Il est penché sur moi, les yeux dans les miens, ses mains sur mon corps. Il est si beau. Je détaille ses traits, ses pommettes hautes, ses boucles sombres, ses yeux noirs et sa peau cuivrée, sa barbe de trois jours. Je laisse errer mes yeux sur ses sourcils, son front, ses cheveux, que j’ai envie de caresser, encore et encore. Je le désire tout entier, sa beauté me fascine, je crois que je n’ai jamais vu quelqu’un d’aussi beau en cet instant.
Car dans ses yeux, il n’y a pas seulement l’envie de me posséder, mais le désir de savourer chaque instant, de… je ne saurais comment le dire, le souhait de me protéger, presque, de profiter de l’instant tel qu’il s’offre, et s’y jetant à corps perdu, mais tout en douceur et en beauté.
C’est ça, le signe de cette rencontre est celui de la beauté.

Je pense soudain à Hugo, qui est quelque part dans Paris, qui pense peut-être à moi, je ne sais. J’ai un instant l’envie de repousser Matteo, de me convaincre que ce que je fais est égoïste, terrible, que je ne pense pas à Hugo, qui m’aime, que... j’aime ?
Mais je n’y parviens pas ; cette situation me paraît si naturelle, si belle. Je n’ai envie que d’une chose, c’est de m’abandonner entre ses bras, de sentir son corps contre le mien, mes lèvres près des siennes, j’ai envie de lui comme il a envie de moi, et c’est tout, c’est tout.

Et nous voici uns, et nos corps fusionnent.


Je ne peux pas décrire, dire cela. Ici, je ne parviens pas. Car sans doute trop profondément moi pour être exprimé. Mon besoin d’écrire a ses propres limites ; je garde cet instant pour nous. Pour moi. Pour lui. Je ne sais pas.

Ce que je retiens, c’est sa grande douceur, son attention et sa tendresse, mêlée à l’attraction des corps, à la passion étrange qui nous habite tous deux ; ce n’est pas que du charnel, il y a aussi cette osmose des esprits, qui fait que nous nous comprenons, qu’il a deviné que j’étais avec quelqu’un.
A un moment, après l’amour, au milieu de la nuit, je n’arrivais pas à dormir. Je croyais qu’il dormait.
J’ai entendu sa voix qui m’a demandé :
- Tu es avec quelqu’un ?
Je n’ai rien répondu, je n’arrivais pas.
Il a répondu pour moi :
- Je le sais. Je l’avais deviné.
Il a marqué un temps, puis a ajouté :
- Pour moi, ce n’a pas d’importance. Je ne demande pas l’exclusivité. J’ai aimé cet instant à nous deux.

Quelque chose en moi s’est serré, qu’il fasse preuve de tant de délicatesse, d’ouverture, de… je ne sais pas exactement. Qu’il ne m’accuse pas de tromper l’autre, qu’il ne me dise pas, tout simplement, que j’avais trompé Hugo, qu’il ne m’accuse pas de ne pas l’avoir prévenu que j’étais avec un autre, avant le début de notre nuit. Non. Il a simplement dit. Et je me suis sentie mieux.

Il m’a prise dans ses bras, et a posé ma tête sur son torse.
Je crois que je me suis endormie ainsi.

(...)

Et je me réveille à ses côtés, nos deux corps nus sous les draps. Il est beau, je vois le tissu blanc qui moule son corps, ses jambes, ses hanches, ce corps si parfait, ce quasi-éphèbe, si je puis dire, qui m’a tant attirée hier soir. Notre nuit revient peu à peu à mon esprit, lentement, par bribes.
Je ne comprends pas. Je ne comprends pas ce qui m’a poussée à faire cela.
Et pourtant je le regarde, et je sens encore ce désir charnel qui monte en moi. Envie de l’étreindre et de sentir mon corps fusionner encore avec le sien. Mêlée à l’envie de fuir d’ici, de repousser cet être qui m’est inconnu, soudain.

Mais plus je le regarde, plus je comprends pourquoi. Plus je me comprends moi-même, et plus l’apaisement revient. Quelque chose me souffle toutes les qualités de cet homme couché à côté de moi, de cet homme de vingt ans, qui ressemble à une statue de Michel-Ange.
C’est comme si soudain, j’acceptais ma part impulsive, ma part d’imprévu, de brut, d’animal et instinctif en moi. Comme si enfin, je me disais que oui, moi aussi, j’ai droit à mon égarement à ma faiblesse. Est-ce vraiment une faiblesse. Au contraire, n’est-ce pas une acceptation de moi-même, au-délà de la rigidité de l’interdit, de savoir que oui, comme tout le monde, je peux ‘déraper’, comme l’on dit ? Est-ce réellement déraper, n’est-ce pas tout simplement prendre un autre chemin que celui que la conscience nous dicte, n’est-ce pas simplement se laisser charmer, goûter à d’autres possibilités que celle que la vie ‘raisonnée’ nous offre ? Savoir emprunter un autre passage, un type différent de route, en-dehors de la voie ‘normale’. Aller au-delà des interdits, tout simplement pour réaliser que c’est peut-être ça, se connaître soi-même. C’est avoir franchi des barrières internes, au-delà des ‘il ne faut pas’ sociaux. Pour pouvoir connaître tout les types de sensation que la palette humaine offre. Pour tout connaître, tout goûter, pour atteindre ces absolus qui nous sont refusés ailleurs.
Et en même temps, à cela se mêle une culpabilité, car j’aime Hugo. Je l’aime profondément, toujours, intensément.
Mais cette nuit était si belle.

Je pense à tout cela, allongée près de lui, Matteo, qui dort.

Et il se réveille. Ses yeux contre les miens.
Le premier geste qu’il fait. Il tend la main, et me caresse la joue.
- Buongiorno
, Viva. Tu as bien dormi ?
Et quelque chose en moi me dit que non, il n’y a pas de remord à avoir. Ce qui est fait est fait. Et c’était bien comme ça.

Lorsque je sors de chez lui, nous avons échangé nos numéros de téléphone. Pour se revoir, peut-être. Je ne sais pas. Je me sentais si bien.

En partant, il m’a regardée. Intensément. Longtemps. Il ne disait rien.
Puis, il m’a embrassée. Lorsqu’il a reculé sa tête, ses yeux étaient fermés. Je lui ai demandé pourquoi il les fermait si longtemps. Il m’a répondu :
- J’imprime ton image en moi. Au cas où l’on ne se reverrait pas. Je ne veux pas oublier.

Nous nous sommes fait la promesse de ne rien exiger l’un de l’autre. Juste de demander, un jour, si l’envie de nous revoir nous prend. Peut-être demain, peut-être dans un mois, peut-être jamais.


Matteo.



Je n'ai pas peur de la route,
Faudra voir, faut qu'on y goûte,
Des méandres aux creux des reins,
Et tout ira bien dis...

Le vent nous portera.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ecrit par Viva, le Dimanche 3 Avril 2005, 13:25 dans la rubrique Actualités.

Commentaires :

emberlificoteuse
emberlificoteuse
03-04-05 à 15:49

Au fond...

Au fond, on n'sait plus trop quoi dire, les mots se rarifient pour exprimer toute l'admiration que j'ai pour tes mots, tu sais, ce n'est pas juste des beaux mots, c'est la vie elle-même qui se cache derrière eux, ce sont tes émotions, tout ça et wouaw, je ne trouve pas les mots pour expliquer tout ce que j'ai ressenti en lisant ce texte, c'est vraiment beau, tu l'exprimes si bien, c'est au-delà de ce qu'on peut imaginer, que les mots nous hâpent à ce point, si intensément, ils nous prennent aux tripes, vraiment, je me retrouve chaque fois emportée, mais cette fois plus encore, vraiment, je ne sais plus quoi dire.

 
Viva
Viva
10-04-05 à 21:37

Re: Au fond...

A mon tour de ne pas savoir quoi dire, devant tous ces commentaires si beaux, si touchants. Touchants, au sens, qui touche la fibre interne, qui m'émeuvent, oui, qui m'émeuvent vraiment. Parce que c'est magique, de sentir cette émotion qui se transmet, juste par les mots, juste par l'écriture, qui peut retransmettre tous les silences, et les non-dits...
Merci, emberlificoteuse, merci, vraiment.

 
Krystal
Krystal
03-04-05 à 18:30

Eh bien...

Ta vie... on dirait un film...
... Je ne vais pas te dire que c'est mal, ou quelque chose dans ce goût là.
D'abord, en ai-je le droit?
Ensuite parce que tu sais toi même ce que tu as fais, et que vous avez fixé vos règles avec "le bel Appolon"...
Mais aussi et surtout parce que... je n'en sais rien...peut-être parce que...c'est si beau...

Je trouve juste dommage que ceci se soit passé au moment où ta relation avec Hugo redevenait...sereine.
Mais ce n'est que mon humble avis ;-)

Bisou à toi jolie Viva.
PS: oui, on parle arabe en Egypte! Et leur accent est magnifique... (je parle arabe (dialecte libanais) et j'adore l'accent Egyptien... un peu comme les français aiment l'accent marseillais !!)

 
Viva
Viva
10-04-05 à 21:39

Re:

J'espère, et crois avoir retrouvé cette séreinité avec Hugo... Difficile équilibre à retrouver, mais comme tu le dis, les règles étaient fixées. Et mon amour pour Hugo est si fort, que j'ai du mal à en imaginer la fin.

Oui, d'une certaine façon, c'était mal, mais comme je le dis dans mon dernier article, Pierre m'a aidé à relativiser. A voir les choses autrement. Pour ne faire de mal à l'autre. Alors... j'espère que nous saurons continuer notre route sans dommages.

Ah, je le savais bien qu'on parlait Arabe en Egypte! J'aimerais tant savoir maîtriser cette langue, ainsi que mille autres...

Merci de ton passage, Krystal! :)

 
VentdOuest
VentdOuest
04-04-05 à 10:26

Au delà des mots

C'est beau très beau, deux êtres qui s'aiment....... ouuhaouuu ça n'arrivent que dans les films et les romans, et des fois dans la vraie vie, des fois. En tous cas heureux que ça t'arrive à toi (en fait ca fait dejà un moment que je lis tes ecrits bien que ce soit mon premier message :))) )

Bises à toi

Ventdouest


 
Viva
Viva
10-04-05 à 21:41

Re: Au delà des mots

Un premier commentaire, ça se fête, champagne! ;)
Je tiens juste à préciser que je n'aime pas Matteo, je n'ai pas d'amour pour lui. Si ce n'est une confiance du moment, un plaisir de l'instant partagé, une compréhension qui fut mutuelle. Mais mon amour est à Hugo, tout entier!

Au plaisir de te revoir sur ces pages :)
Biz à toi!

 
VentdOuest
VentdOuest
13-04-05 à 16:54

Re: Re: Au delà des mots

Au plaisir et au grand, Viva  :)

 
Lunatic
Lunatic
06-04-05 à 19:22

tellement longtemps que je ne suis pas allée sur joueb... je me suis littéralement jetée sur ce blog!
et l'émotion reste la même, ce sentiment prenant...

simple spectatrice, je me sens tout de même rassurée d'avoir trouvé quelqu'un qui mettant les mots sur mes angoisses. car cet épisode m'est arrivé... hum... pas exactement pareil... pas si loin, pas si court...

mais le sentiment de culpabilité se fait ressentir parfois...

et d'avoir lu cet article m'a rassuré... donc merci Viva...


 
Viva
Viva
10-04-05 à 21:43

Re:

Je dois dire qu'il est rassurant de voir que ce genre d'instant n'arrive pas qu'à moi. Ainsi donc, toi aussi? Pour ma part, je ne parviens pas réellement à ressentir de cuplabilité, puisque je suis parvenue à prendre de la distance avec tout cela... Une petite angoisse qui a flotté cette semaine, qui repartira sans doute. Parce que l'amour.
Je dois dire que je suis aussi réconfortée de constater que d'autres vivent cela. :) Si j'ai pu à mon tour te rassurer, alors c'est tant mieux.

bizz à toi!