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Parce que c'était lui, parce que c'était moi.

Je me demandais comme j'allais pouvoir vivre cette semaine, auprès d'Hugo. Après ce qui s'est passé samedi soir. Je me demandais si j'allais lui dire, si j'allais lui cacher, si j'allais tout simplement me taire.

J'ai choisi cette dernière solution. Parce que cet instant des corps partagés avec Matteo n'était pas celui des coeurs ; il n'était qu'une parenthèse enchantée, une porte ouverte sur un monde d'une nuit, qui s'est refermée aussitôt après qu'elle ait été ouverte.
Parce que je ne veux pas faire de mal à Hugo. Même si en quelque sorte, c'est déjà fait.
Pourtant, je ne parviens pas à ressentir la culpabilité si forte que je devrais avoir en moi. Je ne me sens pas coupable d'avoir offert mon corps à un autre. Non, offert n'est pas le bon mot. Je dirais que nous avons partagé nos corps, l'espace d'une nuit, nous avons connus nos visages et nos membres, nous avons senti. Les mots étaient de la partie, aussi, doux et réconfortant ; la sensibilité partout. Compréhension, et beauté.

Et pourtant...
Toute la semaine, je n'ai pu m'empêcher de rêver de lui. Matteo. Chaque nuit, ou presque.
Son visage qui venait me hanter, visions oniriques de son corps si parfait, de ses mains sculptées, de ses yeux expressifs qui venaient transpercer les miens. J'entendais sa voix redire encore ces mots : "Je veux t'imprimer en moi. Pour ne pas oublier." Moi non plus, je n'oublie pas. Je n'arrive pas. Je ne parviens pas. Je ne veux pas. Je crois que c'est cela ; en moi-même, quelque chose ne veut pas, et crie, aspire à le retrouver.

Parce que malgré ce que j'ai dit plus haut, le coeur y était. Puisque nous nous sommes séparés en douceur, puisque nous avons échangés des paroles si belles, des mots qui font glisser les barrières en même temps que les vêtements sur le sol, des mots caresses, des mots subtils, qui disent tout et ne cachent rien.
Parce qu'il était beau, parce que nous nous désirions, parce que quelque chose de plus que son corps m'avait séduite en lui. Parce que j'avais entendu sa voix profonde, avec cet accent un peu marqué, chantant, parce qu'il maîtrisait étonnamment bien notre langue. Parce qu'il avait cette allure, ces gestes posés et souples. Parce qu'il me regardait d'une façon si intense, parce que ce qu'il disait m'avait touchée, parce que ce corps d'éphèbe était autre chose qu'une coquille esthétique, parce qu'il y avait autre chose derrière, une culture, une sensibilité, je ne sais pas.
Un tout qui formait Matteo, étudiant italien en histoire de l'art, venu à Paris pour toute l'année, jusqu'à juin encore. Il reste trois mois. Moins.

Et cette envie de rencontrer à nouveau son corps contre le mien, juste une fois, juste une heure, une nuit, pour sentir à nouveau cette électricité charnelle entre nos deux peaux, ce lien si fort entre nos deux esprits. Et encore. Est-ce réellement pour son corps. Non, peut-être juste pour le revoir, pour parler avec lui, pour l’entendre et le comprendre. Je ne sais pas, je ne sais pas. Je me sens perdue vis-à-vis de cela ; je ne sais pas ce que je ressens. Pour lui. Pour moi.

 

 

J’ai retrouvé avec plaisir Hugo, lundi. Enfouir mon visage dans son cou, sentir ses lèvres qui s’apposent sur les miennes, si doucement, oh, tout cet amour… Tout cet amour que j’ai mis entre parenthèses samedi soir, comment ai-je pu, comment ai-je pu ? Et en même temps, je le sais si bien… Oui, je l’ai mis entre parenthèses, je ne l’ai pas rayé, je ne l’ai pas rayé. J’aime Hugo, si fort, si intensément. Je sais que l’on peut se dire que partager son corps avec un autre le temps d’une nuit, ce n’est pas aimer l’autre, ce n’est pas de l’amour, ce n’est que de la simulation, je me suis fourvoyée. Non. Sans doute est-ce s’absenter pour mieux revenir.
J’aimerais tant croire à cela.

Mais cette semaine, j’ai, malgré moi, fui Hugo.
Lorsque nous avons fait l’amour, mardi, mon esprit s’envolait vers samedi précédent, je repensais aux étreintes incroyables avec Matteo, avec cette force dénuée de violence, cette façon qu’il avait de m’enlacer, avec cette assurance des corps sûrs, avec cette animalité si simple et évidente, mais pas bestiale et crue. Façon qui contraste, en ce mardi, avec les caresses d’amour d’Hugo, avec son regard rempli de ses sentiments de longue durée, et non pas du désir enflammé d’une nuit.
Je devrais m’y retrouver, je devrais savourer, je devrais aimer cela. Et je n’y parviens pas, je n’arrive pas ; j’ai envie qu’il m’empoigne et me prenne contre lui, soudain, qu’il y ait cette force si folle et belle qui passait entre Matteo et moi.

Que se passait-t-il, que se passait-t-il. Cette interrogation m’a martelée toute la semaine durant. Sans arrêt.
Je ne cessais de me dire ceci :
Lorsque je regarde longtemps Hugo, je sens en moi tout l’amour qui monte, tous mes sentiments qui surgissent si fortement. Ses yeux noirs, durs et brillants, enfoncés sous des sourcils droits, qui deviennent si doux lorsqu’il les pose sur moi. Ses cheveux noir corbeau, en bataille, dans lesquels j’aime tant passer la main. Son corps fin et athlétique, ses bras qui se referment sur moi, son odeur, la sienne, à lui, à mon Hugo, que je reconnaîtrais entre mille… C’est lui, je l’aime, quelque chose remue dans mon ventre lorsque je pense à lui, quelque chose explose en mille fragments, et se reconstitue en un seul encore plus fort, lorsque je le vois arriver à l’autre bout de la cours, quelque chose bat si fort, mon corps ne devient qu’une immense pulsation lorsque son image me passe devant les yeux. Et pourtant, mon esprit s’échappe vers Matteo. Encore.




Alors, j’ai parlé à Pierre. Pierre, « mon-grand-manitou-qui-me-sauve ». Et moi, sa « p’tite déesse de la vie ».
Vendredi, je suis allée le voir, alors qu’il était posé au jardin du Luxembourg, avec sa guitare, comme d’habitude. Assis sur le même coin de pelouse, malgré le temps gris.

Ses dreads noués par son éternel morceau de tissu ocre, son chech bleu nuit, et ses ‘yeux de fous’, selon notre expression consacrée, baissés sur sa guitare.

Je me suis assise près de lui, sans rien dire. Nous sommes restés comme cela, silencieux l’un à côté de l’autre. Lui qui égrenait quelques notes sur ses cordes, avec ses belles mains charpentées, des mains de musicien éclectique.

Au bout d’un moment, il s’est arrêté de jouer. Il ne m’a pas regardée. Il a simplement dit :
- On dirait que quelque chose ne va pas, ma Viva. Tu n’es pas comme d’habitude.
J’ai regardé les arbres autour de nous, dans lequel le vent passait fortement, agitant tous les feuillages, comme d’immenses feuilles de papier kraft. Le ciel gris au-dessus de nos têtes, quelques passants ici et là. Quelques cris d’enfants, uniquement le bruit du vent, devenant parfois plus fort.
Ce temps qui me rend si songeuse, si forte et fragile à la fois, comme emplie d’un trop-plein de vie, d’un trop-plein qui me semble si immense qu’il en est étouffant et vide, paradoxalement, parfois.

J’ai passé mes mains dans l’herbe, comme pour mieux reprendre prises avec la réalité.

Il a repris.
- Tu es ailleurs. C’est ça, ailleurs.
En deux mots, il avait mis les traits de peinture sur la toile blanche de mon silence. Oui, je suis ailleurs. Autre part. En tout cas, pas là où je devrais être.

Il ne m’a pas posé de questions brutes. Comme toujours, il a su trouver les mots, les regards, les gestes qui appellent à la confiance, à la confidence.
- Il
s’est passé quelque chose, et je ne sais pas quoi. Mais en tout cas, quelque chose en toi a changé, je ne te sens pas pareil. On dirait que tu fuis, un peu. Tout en voulant t’accrocher à ici.
Il me perçait à jour si bien… Je me suis soudain sentie si vulnérable, face à lui. Mais une vulnérabilité empreinte d’une douceur, comme une envie de m’abandonner soudain dans ses bras, de tout dire et de pleurer sans bruit.

Comme s’il avait entendu mes pensées, Pierre a posé sa guitare et m’a prise dans ses bras. Et c’est soudain toute mon émotion qui a déferlé comme une grande vague. Tous ces derniers mois qui sont venus couler sur mon visage, toute la pluie qui me rendait parfois triste dans ma tête, qui noyait certains de mes moments, tous les chemins emmêlés qui sont venus dérouler leur pelote sur l’eau salée qui coulait sur mon visage. J’ai pleuré, pleuré. Pas très longtemps. Mais suffisamment.

 

Et en vrac, j’ai parlé. J’ai eu besoin d’exprimer, de mettre des mots. Sur tous ces visages qui ont peuplé cette année si belle et si forte, si riche et si terrible, qui j’ai haï et aimée profondément. Sont venus, peu à peu, les noms de David, Hugo, Eloi, et puis, et puis, et puis, Matteo. J’ai eu du mal à faire sortir de ma bouche ce prénom, j’avais l’impression de cracher du sang, ça me faisait si mal à l’intérieur. Je me sentais soudain stupide, petite, minuscule et idiote, j’avais l’impression de ne maîtriser aucun de mes actes, est-ce ma faute si mon cœur et mon instinct fonctionnent parfois avant ma raison… Je suis remplie de fibrilles de sentiments, je suis une centrale d’émotions, un générateur-récepteur d’émotions, je sens, je sens, et parfois je me laisse emporter plus qu’il ne le faudrait.
J’ai tout dit. Tout.

Pierre a écouté, ses grands bras refermés sur moi. Sans rien dire. Parfois, je sentais une petite pression de sa main pour m’encourager à parler, pour mettre les mots que ce que n’arrivais pas à sortir de moi-même.

Et puis, je me suis enfin tue.
J’avais dit Matteo, j’avais dit Hugo, j’avais dit les autres, j’avais tout dit.


Il y a eu un long moment de silence.

Puis, je l’ai entendu prendre doucement sa respiration, et commencer quelques mots, avec sa voix un peu cassée de fumeur, que j’aime tant :
- Ma Viva. Sacrée vie, que l’on a. Après tout, qu’est-ce que ça peut faire ? Tu vis. Tu vis, encore et encore. Tu as eu une petite déviation de parcours, tu es un peu perdue, rien de plus normal. Chacun a droit à l’erreur, si erreur il y a. Et encore, était-ce vraiment une erreur… Je n’en sais rien, toi non plus visiblement, peu importe. Ce qui compte, c’est que tu n’oublies pas ceux qui sont autour de toi, que tu ne leur fasses pas de mal. C’est-à-dire, que tu ne blesses pas Hugo, et que n’oublies pas Matteo comme dans un coin, à la fin d’une soirée, un gobelet de plastique. Mène ta vie, laisse-toi emporter, ou au contraire parfois, prends-là à deux mains, mais vis. Et après tout, peu importe la morale idiote qui nous fait souffrir. Tu l’aimes, Hugo, tu le sens, tu le sais. C’est tout. Ne t’en fais pas.

Je l’ai écouté, la tête posée sur ses genoux, sa main caressant mes cheveux.

Lorsqu’il a fini, je me suis soudain sentie mieux.

C’était vrai. J’avais mené mon chemin, guidé ma barque, suivi ma route. Emprunté d’autres sentiers que d’habitude. Et alors. C’est ça, la vie, c’est goûter ici et là, sans faire de mal autour de soi.
Alors, je tairai ceci à Hugo. Pas pour mieux le garder, mais pour mieux le préserver. Pour que lui ne souffre pas, pour que justement, il me garde mieux. Pour lui. Peut-être moi aussi, un peu. Mais j’ai tant envie de lui donner tout ce que je peux. De lui donner de moi, de lui offrir tout ce dont mon être est capable, j’ai envie de construire et de partager avec lui, j’ai envie de rêver et de regarder dans la même direction, à ses côtés. Tant pis si parfois, l’un de nous emprunte un chemin de traverse, un peu différent. C’est peut-être ça, l’amour. Taire ce qui pourrait inutilement faire mal, et accepter de ne pas marcher toujours sur la même route que l’autre. Pour mieux construire, mieux ressentir. Mieux vivre.


Je suis allée voir Hugo, samedi soir. Il m’a ouvert la porte, m’a regardée, m’a serrée dans ses bras. Longtemps.

Imprégnée de son odeur, de son souffle, de sa présence.
Tout moi qui tend vers lui.

Alors, j’ai murmuré : « Je t’aime, Hugo. Je t’aime si fort. »
J’ai senti son étreinte se resserrer, et puis, il s’est détaché de moi, et m’a regardée.
Dans ses yeux, toute la tendresse du monde.

Il m’a passé la main dans les cheveux, m’a souri, et m’a pris la main.
- Viens.

Lorsq
ue la porte s’est refermée sur nous, j’ai senti que ce qui nous lie est quelque chose de magnifique, de bien plus fort que tous les Autres qui me hantent, que tous les chemins de traverse imaginable, que tous les détours tortueux qui font trébucher.

Parce que je l’aime.

Ecrit par Viva, le Dimanche 10 Avril 2005, 21:34 dans la rubrique Actualités.

Commentaires :

-Para-Doxa-
-Para-Doxa-
10-04-05 à 23:00

Je me devais de commenter cet article...
Peut-être parce que ma situation personnelle, ratrappe ta propre vie.

J'ai pris la place d'Hugo.

Il est vrai que cela fait Mal.
Mais je sais que celui que j'aime m'appartient dans son coeur et dans son corps.
Alors, comme tu le dis, peu importe le chemin, si on construit l'Amour.

Merci de cette vision de "l'autre côté"...

Bizoux


 
annah
annah
11-04-05 à 10:19

Re:

très bel article, très bien écrit.
bien saisi la magie fluide de la vie, tout autour de nous.
bisous à toi !

 
Viva
Viva
17-04-05 à 15:45

Re: Re:

Merci AnnaH, ravie de voir que tu sèmes toujours tes petits commentaires ici, même si tu n'écris plus! (snif)

:)


 
Viva
Viva
17-04-05 à 15:44

Re: Paradoxa

Une telle situation n'est pas facile à assumer, de quel côté que cela soit. Dans mon cas, Hugo ne sait rien, et peut-être est-ce mieux comme cela. Je ne lui ai rien dit, pour préserver notre amour, et je ne considère pas cela comme un mensonge. Parce que j'ai jugé que notre amour, ce que nous vivons, était bien plus important qu'une déchirure éventuelle, à cause de cette aventure d'une nuit. Mais si un jour, il me demande si j'ai pris parfois d'autres chemins, alors, je lui dirai la vérité.

A mon tour de te remercier pour tes mots sur "l'autre côté". Mine de rien, ta phrase me rassure : "Mais je sais que celui que j'aime m'appartient dans son coeur et dans son corps.
Alors, comme tu le dis, peu importe le chemin, si on construit l'Amour."

Merci Paradoxa... :)

PS : au fait, je peux te mettre dans mes liens?


 
neowitch
neowitch
11-04-05 à 13:54

N'oublie pas, si un jour il fait ce même "ecart" de parcours...De lui pardonner, et le comprendre.

 Bon courage, j'admire...Ca doit être dur a vivre, mais ton Pierre a raison!



 
Viva
Viva
17-04-05 à 15:46

Re:

Oui, si son "écart" est au même niveau que le mien, alors, je lui pardonnerai... Et puis, comme le dit le proverbe, "faute avouée est à moitié pardonnée", s'il le sent comme une faute.
Difficile à vivre, pas tellement. Parce que, comme je le disais plus haut, j'ai choisi de préserver notre amour, alors, je ne cuplabilise pas. Du moins, pas beaucoup!