David. Fin.
Olé olé. En fait, non, pas du tout olé olé. Je ne sais même pas POURQUOI est-ce que je commence ce grave article comme ça...
J'ai la sensation d'écrire un article sur deux de façon tragique, un article sur deux d'une façon joyeuse-sentimentalo-lyrique-gaie, bref, aucune régularité, juste des bribes, ça m'agace. Mais tant pis, j'écris lorsque j'en ressens le besoin, ce n'est pas à moi de suivre...
Donc, il faut que j'en vienne à parler de David... Que j'ai appelé en début-d'après midi. Je l'ai appelé. Je l'ai vu. Je lui ai parlé. A David. David. David. David David David David David. Divad, presque Diva? David David David. Stop. J'arrête.
Je n'arrive pas à commencer. Je suis une contradiction vivante. Très heureuse et très malheureuse, c'est dire. Où est l'issue?
Donc... j'ai appelé David. Ok. Je vais essayer de reconstituer quelques bribes de dialogues, ça m'aide à faire le point, en plus je m'en souviens plutôt bien...
Driiiiing, driiiiing. (quel réalisme)
- Allô?
- David?
- ... (un petit temps) Viva?
- Euh, David, je... il faut qu'on parle... à propos de ta visite chez moi...
- Oui.
J'ai un mal fou à commencer à parler, j'hésite à trébuche sur tous les mots, j'ai la sensation de perdre toute la force qu'Hugo et son affection m'ont insufflée ces derniers jours, je suis toute petite.
En fait, en cet instant, David et moi sommes tous les deux tout petits.
- Je... Je ne m'attendais pas du tout à te voir, tu sais. C'est... ça m'a fait un choc.
Et là, soudain, je dis : "Il faut que je te voie. Tu es libre, maintenant tout de suite?"
Lui non plus n'a pas trop l'air de réaliser : "Oui. Oui oui." "Alors j'arrive tout de suite."
Je saute dans le métro, file jusqu'à sa station, je suis chez lui en 1/2 heure.
Je sonne.
David m'ouvre. Il est livide. Vraiment. Il me semble affaibli. Triste.
C'est comme une partie de moi-même qui s'effondre.
- Entre.
L'appartement est vide, ses parents ne sont pas là. Je passe le pas de la porte, longe le couloir... c'est terrible la sensation de nostalgie totale qui m'envahit, je reconnais les odeurs qui peuplent l'appartement, je revois les lieux, la cuisine petite et chaleureuse, les étagères croulantes de bouquins, le vieux canapé sur laquelle s'est passée notre première fois... Une grosse boule me monte dans la gorge. Tout ce passé, ce vécu me saute soudain au visage, m'étouffe presque tant ma tristesse est grande de sentir que tout cela appartient à présent à un temps révolu. J'ai l'impression que ma gorge rétrécit de plus en plus. Je ne peux qu'avancer dans le vestibule, puis rejoindre le salon.
Je reste debout, je contemple les murs, la vieille reproduction d'un Manet, que j'entrevoyais parfois, je me rappelle, lorsque nous faisions l'amour sur le canapé, on aimait bien que ce soit là, la chambre était trop "autre", trop livrée à l'esprit, aux sentiments, à la littérature, ce canapé nous plaisait... Je regarde tout ça, c'est dur, c'est trop dur à voir.
Je l'entends dire : "Alors, tu es venue?"
Je ne peux que répondre un petit "Oui", tout petit, étouffé, je retiens mes larmes, tellement fort que ça me fait mal, j'ai l'impression de serrer la gorge jusqu'à la sensation d'être étranglée, ça fait mal, ça fait mal.
Je reste immobile, je promène mes yeux sans jamais m'arrêter sur rien, David est partout ici, je me demande pourquoi est-ce que je suis venue ici, c'est trop dur, putain qu'est-ce c'est dur.
David me rejoint dans le salon, et je sens son parfum. Son odeur, le parfum de sa peau, cette odeur de lui, cette essence de lui, qui imprègnait pendant si longtemps mes vêtements, qui m'imprègnait moi, toute entière. C'est lui...
Il faut que je sois forte, mais je n'arrive pas. Je n'arrive pas à surmonter ces retrouvailles trop violente. Je ne sais pas ce qui m'a pris de venir ici.
Je murmure : "David je ne peux pas."
Et alors, il fait une chose terrible, qui m'a fait en même temps tellement de bien et tellement de mal et tellement de mal, et tellement de mal, il s'approche, et vient près de moi. Il me chuchote : "Viva, je n'arrête pas de t'aimer, tout le temps, je n'y peux rien, même cet été, même après la fin, tout le temps." Et il me prend dans ses bras.
Je pleure vraiment. Tout devient flou, juste les larmes qui coulent devant mes yeux, je sanglote, je pleure, je pleure... Je voudrais être forte, lui dire d'arrêter, de me lâcher, de ne pas me prendre comme ça contre lui, je voudrais retirer ma tête de son cou, je voudrais ne plus respirer lui, ne plus sentir sa peau contre ma joue, je voudrais lui dire qu'Hugo est entré dans ma vie et qu'il me rend heureuse, je voudrais lui dire tout ça, mais je n'arrive pas...
J'ai la sensation d'être en train de me perdre, de tomber loin, dans un vide dû à un trop-plein d'émotions, c'est ça, je pleure à cause de trop-plein d'émotions de ces derniers jours...
Puis je réussis à dire : "Lâche-moi". "Lâche-moi." Encore. Deux fois.
Je me détache de lui. Lentement. J'ai l'impression que chaque centimètre qui nous sépare est un kilomètre. Je ne suis pas assez solide.
Et je réussis encore à dire tout ça, d'un coup, je lance (à peu de choses près) : "David je suis avec quelqu'un avec quelqu'un avec quelqu'un tu comprends, je ne suis pas seule plus tout seule quelqu'un d'autre que toi est avec moi, ce n'est pas toi, ce n'est pas toi, c'est Hugo il s'appelle Hugo, je ne t'aime plus, je ne t'aime plus, je ne t'aime plus, je ne sais même plus, je n'arrive pas à comprendre, je ne t'aime plus, pourquoi tu m'a embrassée ça fait mal, je ne t'aime plus"
C'est tout. Silence. Je m'arrête de parler. Il me regarde. Il est toujours pâle. Je ne sais pas quel figure je fais en cet instant, mais ça doit être un air douloureux, sans aucun doute.
Je répète encore : "Je ne t'aime plus."
Je réalise que je ne sais même plus ce que ça veut dire. Je suis complètement troublée. Je ne sais même plus, en fait, si je ne l'aime plus, c'est pas normal de réagir comme ça.
Il dit : "Je t'aime."
J'ai l'impression de porter tout le poids du monde sur mes épaules.
" Pas moi. Tu ne comprends pas. Je suis avec Hugo. J'ai fait une croix sur nous deux. Nous, toi et moi, Viva et David, ça n'existe plus."
Il me regarde encore. Je vois une larme qui tombe sur sa joue. Le pire, c'est que son visage exprime tout entier un immense désarroi, mais sans cette crispation qui tord le visage, lorsque l'on pleure. Non. Jute une larme, puis deux, puis trois, puis plus, qui coulent, de son oeil, à sa joue, jusqu'à tout en bas, et tombent sur son t-shirt. Il me regarde, et il dit :
"C'est fini. C'est vraiment fini."
"Oui."
Et puis je ne sais plus, je ne me souviens plus exactement les mots, il me dit qu'il regrette, qu'il m'aime, qu'il ne peut pas s'arrêter, qu'il s'en veut "qu'est-ce que j'ai été con", qu'il a voulu arrêter d'exister lorsqu'il m'a perdue, qu'il a cru qu'il avait tout perdu, qu'on était si bien ensemble, qu'il m'aime toujours, qu'il pense tout le temps à nous deux, qu'il regrette, regrette, qu'il a bien embrassé une fille cet été, en août, pour oublier, mais qu'il l'a quittée le lendemain, qu'il ne peut pas oublier, qu'il m'aime, encore, il parle, il parle...
Tout ça sur moi, soudain, vient en moi, tous ces mots, tous ses mots.
Il finit : "Pardon. Pardon Viva. Je suis désolé... je suis désolé, pardon, je ne voudrais pas t'aimer encore, je n'ai jamais voulu embrasser l'autre fille, tu sais, le soir de notre dispute, j'étais furieux, j'avais joué à un jeu dangereux... Tu sais que je t'ai couru après, je t'ai cherchée, tu étais déjà partie... Je t'ai appelé des milliers de fois, pourquoi tu n'as pas répondu?"
Je n'arrive pas à résister à ces paroles. Je dis quelque chose de monstrueux.
"Je t'aime toujours David, je t'aimerai toujours, je le sais, c'est ancré quelque part en moi, mais j'ai oublié. J'aime Hugo, d'une autre façon différemment, maintenant il est temps d'oublier toi et moi, il faut qu'on oublie, on ne peut plus s'aimer, on s'est fait trop de mal, même avant la fin, tu te souviens nos disputes?... Ce n'était pas la seule... Tu m'as fait si mal, je n'ai pas voulu te rappeler, je ne pouvais pas, je t'aimais trop et je te détestais en même temps. Maintenant, je chéris notre histoire, je l'aime vraiment, c'était ma plus belle histoire, mais voilà il y a une fin, et c'est maintenant la fin. Je t'aime mais je ne t'aime plus. J'aime ce qu'on a vécu, je t'aime toujours, je tiens à toi tellement fort, mais je ne t'aime plus. Je ne peux pas."
Il s'apprête à dire quelque chose, quelque chose pour me faire pencher, sans le vouloir, je le sais, je le lis sur son visage, et je dis : "Ne m'en demande pas plus."
Ca y est, tout a été dit. Je lui ai dit ce que je ressentais pour lui mais n'osais pas m'avouer, j'ai l'impression d'avoir accepté ce "double-amour", ces sentiments anciens pas tout à fait encore effacés pour David, et ces sentiments nouveaux, si beaux et lumineux, pour Hugo, mon nouvel air, cet oxygène si bon, si régénérant.
Je ne sais pas pourquoi, je regarde l'heure. Il est temps de mettre fin à tout ça. Il faut que j'y aille ; j'ai rendez-vous avec une amie, avec ma meilleure amie, Esther. Il faut que je parte, pas à cause de l'heure, pas à cause de ce rendez-vous. Non. Je sais qu'il faut que je m'en aille. C'est le dernier geste. Le dernier geste qui achèvera vraiment notre histoire, montrera vraiment que nous nous sommes quittés.
"David, je pars."
Il me regarde encore. Je sens ce même trop-plein d'émotion que celui qui est en moi depuis tout à l'heure. La même tristesse que nous partageons. Il semble résigné, à peine, mais pas autant que moi. J'ai l'accès à un renouveau, en la personne d'Hugo. Pas lui.
"Alors, tu pars?"
Il me raccompagne à la porte. Il me regarde d'une façon si désespérée... C'est terrible de quitter quelqu'un. Mais je sais que si je ne pars pas maintenant, si je ne fais pas le choix de partir maintenant, je ne l'aurait jamais vraiment quitté.
Mais c'est affreux, il me regarde d'une manière si intense, j'ai l'impression d'être totalement à nu devant lui, j'ai l'impression qu'il sait exactement ce que je pense, ce reste de sentiment en moi, ce trouble qui m'envahit...
Oui, trouble devant la porte, moi tout contre cette porte, dos à la porte, et lui, juste en face de moi, presque contre moi, la main sur la poignée, qui m'encadre entre son bras droit et le mur...
Il me regarde, encore, toujours.
Et là, je ne sais pas, une impulsion, j'ai besoin de goûter une dernière fois à lui, avant de partir, avant de le quitter, avant d'aller vers un ailleurs, avant que tout cela devienne un souvenir, avant de me dire que je le reverrai une prochaine fois en tant qu'ami, avant de mettre un trait sur notre histoire, et de la placer dans le tiroir à souvenirs.
Une impulsion soudaine me porte vers lui, et je pose mes lèvres sur les siennes.
Tout son parfum m'envahit, tout David entre en moi, juste pour une dernière fois, comme on dit, juste pour une dernière danse... Cyrano dit qu'un baiser est une façon de se respirer le coeur au bord des lèvres. C'est si vrai en cet instant. C'est la dernière fois. Tout moi reconnaît toi, je suis à toi une dernière fois le temps de tes lèvres contre les miennes, la peau reconnaît encore la tienne, je l'embrasse, il m'embrasse, j'ai le coeur au bord des lèvres... Il me prend le visage dans les mains, m'embrasse, m'embrasse.
Je me retire. Silence. Je le regarde. Je sens ses yeux comme contre les miens.
"Au revoir, David. Merci de m'avoir expliqué. Pardonne-moi encore. Il le fallait, qu'on se quitte un jour, c'est toi qui l'a dit." On a parlé, j'ai su, il a su. Plus de recoin d'ombre. Ou peut-être y en a-t-il, mais je ne le sais pas, pas pour le moment, je n'ai pas assez de recul pour réaliser, pour voir si j'ai oublié quelque chose.
"Au revoir, Viva."
"David... (là, je dis une phrase presque comme dans les films, mais je la pense vraiment, en voyant son visage pâle, plus mince, plus émacié) Prend soin de toi. ... Merci."
Je me recule, ouvre la porte. Je lui souris. Enfin.
"Toi aussi, Viva."
Je recule sur le palier, souris encore. Vraiment. J'ai comme un poids en moins, mêlé à une tristesse terrible, immense, sourde. Une tristesse joyeuse. C'est comme chanter une chanson triste sur un air presque gai.
Je crois voir un léger sourire sur ses lèvres, mais toujours le sombre dans ses yeux. Je ne sais pas.
Il referme la porte.
Je descends l'escalier.
J'entre dans le métro. Sensations diverses. Douleur, impression qu'une partie de moi est arrachée. Mais en même temps, justement, cette partie est arrachée, vraiment, une bonne fois pour toutes, à la racine, c'est fini, fini, fini. Peut-être le reverrai-je un jour, oui, sûrement, je le reverrai, évidemment. Lorsque tout ça se sera un peu tassé. Je l'aime tellement... Plus d'amour, mais si, en fait. Plutôt de l'affection dont on aime un amour magnifique, mais fini. On garde toujours cette affection si particulière, pour quelqu'un que l'on a aimé intensément, mais avec lequel, aujourd'hui, c'est fini.
Oui, aujourd'hui, mon histoire avec David est vraiment finie. Fini, fini, fini.
J'ai si peur pour lui. Je ne veux pas lui faire de mal, même si je sais que je viens de lui en faire. Mais lui aussi m'en a beaucoup fait.
C'est étrange que je l'aie embrassé. J'en avais besoin. Pour vraiment finir avec tout ça, comme un résumé de cette intense relation, par l'intermédiaire de ce baiser.
Je n'en ai pas parlé à Esther. Juste deux mots : "C'est fini avec David." Elle a compris. Pas de question: "Mais comment? Tu es déjà avec Hugo c'est déjà fini avec David comment avez vous rompu maintenant je ne comprends rien". Non. Elle a compris. Tout de suite. A compris que je ne pouvais pas, que je ne voulais pas en parler tout de suite. Je l'aime Esther, elle comprend si bien, c'est elle, mon Esther, toute entière...
J'ai besoin de laisser décanter. De reposer.
J'écris.
C'est l'orage. Il pleut.
J'ai la sensation d'écrire un article sur deux de façon tragique, un article sur deux d'une façon joyeuse-sentimentalo-lyrique-gaie, bref, aucune régularité, juste des bribes, ça m'agace. Mais tant pis, j'écris lorsque j'en ressens le besoin, ce n'est pas à moi de suivre...
Donc, il faut que j'en vienne à parler de David... Que j'ai appelé en début-d'après midi. Je l'ai appelé. Je l'ai vu. Je lui ai parlé. A David. David. David. David David David David David. Divad, presque Diva? David David David. Stop. J'arrête.
Je n'arrive pas à commencer. Je suis une contradiction vivante. Très heureuse et très malheureuse, c'est dire. Où est l'issue?
Donc... j'ai appelé David. Ok. Je vais essayer de reconstituer quelques bribes de dialogues, ça m'aide à faire le point, en plus je m'en souviens plutôt bien...
Driiiiing, driiiiing. (quel réalisme)
- Allô?
- David?
- ... (un petit temps) Viva?
- Euh, David, je... il faut qu'on parle... à propos de ta visite chez moi...
- Oui.
J'ai un mal fou à commencer à parler, j'hésite à trébuche sur tous les mots, j'ai la sensation de perdre toute la force qu'Hugo et son affection m'ont insufflée ces derniers jours, je suis toute petite.
En fait, en cet instant, David et moi sommes tous les deux tout petits.
- Je... Je ne m'attendais pas du tout à te voir, tu sais. C'est... ça m'a fait un choc.
Et là, soudain, je dis : "Il faut que je te voie. Tu es libre, maintenant tout de suite?"
Lui non plus n'a pas trop l'air de réaliser : "Oui. Oui oui." "Alors j'arrive tout de suite."
Je saute dans le métro, file jusqu'à sa station, je suis chez lui en 1/2 heure.
Je sonne.
David m'ouvre. Il est livide. Vraiment. Il me semble affaibli. Triste.
C'est comme une partie de moi-même qui s'effondre.
- Entre.
L'appartement est vide, ses parents ne sont pas là. Je passe le pas de la porte, longe le couloir... c'est terrible la sensation de nostalgie totale qui m'envahit, je reconnais les odeurs qui peuplent l'appartement, je revois les lieux, la cuisine petite et chaleureuse, les étagères croulantes de bouquins, le vieux canapé sur laquelle s'est passée notre première fois... Une grosse boule me monte dans la gorge. Tout ce passé, ce vécu me saute soudain au visage, m'étouffe presque tant ma tristesse est grande de sentir que tout cela appartient à présent à un temps révolu. J'ai l'impression que ma gorge rétrécit de plus en plus. Je ne peux qu'avancer dans le vestibule, puis rejoindre le salon.
Je reste debout, je contemple les murs, la vieille reproduction d'un Manet, que j'entrevoyais parfois, je me rappelle, lorsque nous faisions l'amour sur le canapé, on aimait bien que ce soit là, la chambre était trop "autre", trop livrée à l'esprit, aux sentiments, à la littérature, ce canapé nous plaisait... Je regarde tout ça, c'est dur, c'est trop dur à voir.
Je l'entends dire : "Alors, tu es venue?"
Je ne peux que répondre un petit "Oui", tout petit, étouffé, je retiens mes larmes, tellement fort que ça me fait mal, j'ai l'impression de serrer la gorge jusqu'à la sensation d'être étranglée, ça fait mal, ça fait mal.
Je reste immobile, je promène mes yeux sans jamais m'arrêter sur rien, David est partout ici, je me demande pourquoi est-ce que je suis venue ici, c'est trop dur, putain qu'est-ce c'est dur.
David me rejoint dans le salon, et je sens son parfum. Son odeur, le parfum de sa peau, cette odeur de lui, cette essence de lui, qui imprègnait pendant si longtemps mes vêtements, qui m'imprègnait moi, toute entière. C'est lui...
Il faut que je sois forte, mais je n'arrive pas. Je n'arrive pas à surmonter ces retrouvailles trop violente. Je ne sais pas ce qui m'a pris de venir ici.
Je murmure : "David je ne peux pas."
Et alors, il fait une chose terrible, qui m'a fait en même temps tellement de bien et tellement de mal et tellement de mal, et tellement de mal, il s'approche, et vient près de moi. Il me chuchote : "Viva, je n'arrête pas de t'aimer, tout le temps, je n'y peux rien, même cet été, même après la fin, tout le temps." Et il me prend dans ses bras.
Je pleure vraiment. Tout devient flou, juste les larmes qui coulent devant mes yeux, je sanglote, je pleure, je pleure... Je voudrais être forte, lui dire d'arrêter, de me lâcher, de ne pas me prendre comme ça contre lui, je voudrais retirer ma tête de son cou, je voudrais ne plus respirer lui, ne plus sentir sa peau contre ma joue, je voudrais lui dire qu'Hugo est entré dans ma vie et qu'il me rend heureuse, je voudrais lui dire tout ça, mais je n'arrive pas...
J'ai la sensation d'être en train de me perdre, de tomber loin, dans un vide dû à un trop-plein d'émotions, c'est ça, je pleure à cause de trop-plein d'émotions de ces derniers jours...
Puis je réussis à dire : "Lâche-moi". "Lâche-moi." Encore. Deux fois.
Je me détache de lui. Lentement. J'ai l'impression que chaque centimètre qui nous sépare est un kilomètre. Je ne suis pas assez solide.
Et je réussis encore à dire tout ça, d'un coup, je lance (à peu de choses près) : "David je suis avec quelqu'un avec quelqu'un avec quelqu'un tu comprends, je ne suis pas seule plus tout seule quelqu'un d'autre que toi est avec moi, ce n'est pas toi, ce n'est pas toi, c'est Hugo il s'appelle Hugo, je ne t'aime plus, je ne t'aime plus, je ne t'aime plus, je ne sais même plus, je n'arrive pas à comprendre, je ne t'aime plus, pourquoi tu m'a embrassée ça fait mal, je ne t'aime plus"
C'est tout. Silence. Je m'arrête de parler. Il me regarde. Il est toujours pâle. Je ne sais pas quel figure je fais en cet instant, mais ça doit être un air douloureux, sans aucun doute.
Je répète encore : "Je ne t'aime plus."
Je réalise que je ne sais même plus ce que ça veut dire. Je suis complètement troublée. Je ne sais même plus, en fait, si je ne l'aime plus, c'est pas normal de réagir comme ça.
Il dit : "Je t'aime."
J'ai l'impression de porter tout le poids du monde sur mes épaules.
" Pas moi. Tu ne comprends pas. Je suis avec Hugo. J'ai fait une croix sur nous deux. Nous, toi et moi, Viva et David, ça n'existe plus."
Il me regarde encore. Je vois une larme qui tombe sur sa joue. Le pire, c'est que son visage exprime tout entier un immense désarroi, mais sans cette crispation qui tord le visage, lorsque l'on pleure. Non. Jute une larme, puis deux, puis trois, puis plus, qui coulent, de son oeil, à sa joue, jusqu'à tout en bas, et tombent sur son t-shirt. Il me regarde, et il dit :
"C'est fini. C'est vraiment fini."
"Oui."
Et puis je ne sais plus, je ne me souviens plus exactement les mots, il me dit qu'il regrette, qu'il m'aime, qu'il ne peut pas s'arrêter, qu'il s'en veut "qu'est-ce que j'ai été con", qu'il a voulu arrêter d'exister lorsqu'il m'a perdue, qu'il a cru qu'il avait tout perdu, qu'on était si bien ensemble, qu'il m'aime toujours, qu'il pense tout le temps à nous deux, qu'il regrette, regrette, qu'il a bien embrassé une fille cet été, en août, pour oublier, mais qu'il l'a quittée le lendemain, qu'il ne peut pas oublier, qu'il m'aime, encore, il parle, il parle...
Tout ça sur moi, soudain, vient en moi, tous ces mots, tous ses mots.
Il finit : "Pardon. Pardon Viva. Je suis désolé... je suis désolé, pardon, je ne voudrais pas t'aimer encore, je n'ai jamais voulu embrasser l'autre fille, tu sais, le soir de notre dispute, j'étais furieux, j'avais joué à un jeu dangereux... Tu sais que je t'ai couru après, je t'ai cherchée, tu étais déjà partie... Je t'ai appelé des milliers de fois, pourquoi tu n'as pas répondu?"
Je n'arrive pas à résister à ces paroles. Je dis quelque chose de monstrueux.
"Je t'aime toujours David, je t'aimerai toujours, je le sais, c'est ancré quelque part en moi, mais j'ai oublié. J'aime Hugo, d'une autre façon différemment, maintenant il est temps d'oublier toi et moi, il faut qu'on oublie, on ne peut plus s'aimer, on s'est fait trop de mal, même avant la fin, tu te souviens nos disputes?... Ce n'était pas la seule... Tu m'as fait si mal, je n'ai pas voulu te rappeler, je ne pouvais pas, je t'aimais trop et je te détestais en même temps. Maintenant, je chéris notre histoire, je l'aime vraiment, c'était ma plus belle histoire, mais voilà il y a une fin, et c'est maintenant la fin. Je t'aime mais je ne t'aime plus. J'aime ce qu'on a vécu, je t'aime toujours, je tiens à toi tellement fort, mais je ne t'aime plus. Je ne peux pas."
Il s'apprête à dire quelque chose, quelque chose pour me faire pencher, sans le vouloir, je le sais, je le lis sur son visage, et je dis : "Ne m'en demande pas plus."
Ca y est, tout a été dit. Je lui ai dit ce que je ressentais pour lui mais n'osais pas m'avouer, j'ai l'impression d'avoir accepté ce "double-amour", ces sentiments anciens pas tout à fait encore effacés pour David, et ces sentiments nouveaux, si beaux et lumineux, pour Hugo, mon nouvel air, cet oxygène si bon, si régénérant.
Je ne sais pas pourquoi, je regarde l'heure. Il est temps de mettre fin à tout ça. Il faut que j'y aille ; j'ai rendez-vous avec une amie, avec ma meilleure amie, Esther. Il faut que je parte, pas à cause de l'heure, pas à cause de ce rendez-vous. Non. Je sais qu'il faut que je m'en aille. C'est le dernier geste. Le dernier geste qui achèvera vraiment notre histoire, montrera vraiment que nous nous sommes quittés.
"David, je pars."
Il me regarde encore. Je sens ce même trop-plein d'émotion que celui qui est en moi depuis tout à l'heure. La même tristesse que nous partageons. Il semble résigné, à peine, mais pas autant que moi. J'ai l'accès à un renouveau, en la personne d'Hugo. Pas lui.
"Alors, tu pars?"
Il me raccompagne à la porte. Il me regarde d'une façon si désespérée... C'est terrible de quitter quelqu'un. Mais je sais que si je ne pars pas maintenant, si je ne fais pas le choix de partir maintenant, je ne l'aurait jamais vraiment quitté.
Mais c'est affreux, il me regarde d'une manière si intense, j'ai l'impression d'être totalement à nu devant lui, j'ai l'impression qu'il sait exactement ce que je pense, ce reste de sentiment en moi, ce trouble qui m'envahit...
Oui, trouble devant la porte, moi tout contre cette porte, dos à la porte, et lui, juste en face de moi, presque contre moi, la main sur la poignée, qui m'encadre entre son bras droit et le mur...
Il me regarde, encore, toujours.
Et là, je ne sais pas, une impulsion, j'ai besoin de goûter une dernière fois à lui, avant de partir, avant de le quitter, avant d'aller vers un ailleurs, avant que tout cela devienne un souvenir, avant de me dire que je le reverrai une prochaine fois en tant qu'ami, avant de mettre un trait sur notre histoire, et de la placer dans le tiroir à souvenirs.
Une impulsion soudaine me porte vers lui, et je pose mes lèvres sur les siennes.
Tout son parfum m'envahit, tout David entre en moi, juste pour une dernière fois, comme on dit, juste pour une dernière danse... Cyrano dit qu'un baiser est une façon de se respirer le coeur au bord des lèvres. C'est si vrai en cet instant. C'est la dernière fois. Tout moi reconnaît toi, je suis à toi une dernière fois le temps de tes lèvres contre les miennes, la peau reconnaît encore la tienne, je l'embrasse, il m'embrasse, j'ai le coeur au bord des lèvres... Il me prend le visage dans les mains, m'embrasse, m'embrasse.
Je me retire. Silence. Je le regarde. Je sens ses yeux comme contre les miens.
"Au revoir, David. Merci de m'avoir expliqué. Pardonne-moi encore. Il le fallait, qu'on se quitte un jour, c'est toi qui l'a dit." On a parlé, j'ai su, il a su. Plus de recoin d'ombre. Ou peut-être y en a-t-il, mais je ne le sais pas, pas pour le moment, je n'ai pas assez de recul pour réaliser, pour voir si j'ai oublié quelque chose.
"Au revoir, Viva."
"David... (là, je dis une phrase presque comme dans les films, mais je la pense vraiment, en voyant son visage pâle, plus mince, plus émacié) Prend soin de toi. ... Merci."
Je me recule, ouvre la porte. Je lui souris. Enfin.
"Toi aussi, Viva."
Je recule sur le palier, souris encore. Vraiment. J'ai comme un poids en moins, mêlé à une tristesse terrible, immense, sourde. Une tristesse joyeuse. C'est comme chanter une chanson triste sur un air presque gai.
Je crois voir un léger sourire sur ses lèvres, mais toujours le sombre dans ses yeux. Je ne sais pas.
Il referme la porte.
Je descends l'escalier.
J'entre dans le métro. Sensations diverses. Douleur, impression qu'une partie de moi est arrachée. Mais en même temps, justement, cette partie est arrachée, vraiment, une bonne fois pour toutes, à la racine, c'est fini, fini, fini. Peut-être le reverrai-je un jour, oui, sûrement, je le reverrai, évidemment. Lorsque tout ça se sera un peu tassé. Je l'aime tellement... Plus d'amour, mais si, en fait. Plutôt de l'affection dont on aime un amour magnifique, mais fini. On garde toujours cette affection si particulière, pour quelqu'un que l'on a aimé intensément, mais avec lequel, aujourd'hui, c'est fini.
Oui, aujourd'hui, mon histoire avec David est vraiment finie. Fini, fini, fini.
J'ai si peur pour lui. Je ne veux pas lui faire de mal, même si je sais que je viens de lui en faire. Mais lui aussi m'en a beaucoup fait.
C'est étrange que je l'aie embrassé. J'en avais besoin. Pour vraiment finir avec tout ça, comme un résumé de cette intense relation, par l'intermédiaire de ce baiser.
Je n'en ai pas parlé à Esther. Juste deux mots : "C'est fini avec David." Elle a compris. Pas de question: "Mais comment? Tu es déjà avec Hugo c'est déjà fini avec David comment avez vous rompu maintenant je ne comprends rien". Non. Elle a compris. Tout de suite. A compris que je ne pouvais pas, que je ne voulais pas en parler tout de suite. Je l'aime Esther, elle comprend si bien, c'est elle, mon Esther, toute entière...
J'ai besoin de laisser décanter. De reposer.
J'écris.
C'est l'orage. Il pleut.
Ecrit par Viva, le Mercredi 20 Octobre 2004, 19:45 dans la rubrique Actualités.
Commentaires :
.....................
............Tu me laisse sans mots!!! Mais je veux quand même en dire, pour te soutenir, te dire que tu as eu raison, qu'une nouvelle vie, expérience, "phase" est arrivé, alors découvre et profite car les "premiers" moments sont toujours les meilleurs, ceux qui sont inoubliables...VIE
Incroyable...ça à l'air si dur.
je sais que je suis sensible, mais ton texte m'a fait pleurer. il me fait penser à un tas de choses.
Tu écris vraiment très bien. merci
je sais que je suis sensible, mais ton texte m'a fait pleurer. il me fait penser à un tas de choses.
Tu écris vraiment très bien. merci
Re:
Merci beaucoup titecharlotte... Ton petit mot me touche vraiment :)
Que dire? A mon tour de te dire merci
Que dire? A mon tour de te dire merci
Burning-Angel
que dire ?