Avant tout, je tenais à remercier ceux m'ont laissé un petit mot d'encouragement, ça fait du bien d'avoir une petite présence rassurante quelque part...
J'y suis allée hier, je n'avais pas TD ; j'en reviens tout juste. Non, ce n'est pas ce que l'on peut croire.
C'était... éprouvant. Vraiment. J'ai du mal à réaliser. Et tout ça, c'est de ma faute? J'en viens à la culpabiliser, à me dire que c'est à cause de moi qu'on a rompu, j'en viens même à croire que c'est moi qui l'ai trompé avec n'importe qui. Alors que c'est lui, avec cette fille. N'iimporte quoi.
Sa mère m'a ouvert ; elle semblait contente de me voir, elle m'a serrée dans ses bras. Oh, ce parfum... Ma seconde maman pendant un an, avec ses bras amples, son sourire, ses cheveux, et son parfum...
Elle s'apprêtait à partir pour deux jours, elle allait à un congrès d'orthodontie (oui, elle est orthodontiste), elle ne revient pas avant dimanche matin. Elle m'a demandé si comptais rester avec lui jusqu'à demain. J'ai répondu que je ne savais pas, je n'avais rien prévu. A vrai dire, je pensais juste m'expliquer, lui tenir compagnie l'après-midi... Elle a tout de même semblée soulagée de savoir que son fils aurait ma présence à ses côtés, elle m'a dit : "Prends bien soin de lui, il est très ébranlé en ce moment."
Je suis entrée, elle a refermé la porte derrière elle, son sac de voyage à la main, et je me suis retrouvée seule dans l'appartement. Seule avec David.
Il est dans le salon, allongé sur le canapé. Il lit, je reconnais le vieux livre qu'il avait souvent dans la poche, de son grand manteau, complètement fané, jauni, avec une femme nue sortant d'une fleur (une aubépine, me disait-il), sur la couverture, ce sont les Fleurs du Mal. Je reste un peu sur le seuil ; j'attends, je ne sais pas quoi mais j'attends...
Il tourne soudain la tête et me voit. Un sourire se dessine sur son visage, il dit : "Viva! Tu es venue!" Et puis tout de suite, c'est étrange, on dirait que la tristesse revient sur ses traits, comme si... je ne sais pas, un changement soudain du tout au tout.
Je n'ai pas envie d'épiloguer sur tout ce que nous nous sommes dit cet après-midi. Nous n'avons pas beaucoup parlé. Du moins, pas de l' "avant-rupture". Je lui ai expliqué que si j'étais avec Hugo, ce n'était pas pour autant que je l'oubliais. Il emblait avoir un mal fou à entendre son prénom, Hugo, comme si c'était un des pires mots au monde. Il était triste, triste... si triste que j'en ai fait un jeu : au moins, pour le sortir de sa tristesse, j'ai répondu à ses questions, comme dans Jane Eyre, lorsqu'elle revient voir M.Rochester, enfoncé dans sa mélancolie. David m'a posé une entaine de questions sur Hugo : est-ce qu'il est beau? Est-ce qu'il est musicien? Intelligent? Est-ce qu'il aime Baudelaire? Est-ce qu'il est attentionné? Est-ce qu'il est grand? Beaucoup d'amis, hein? Je parie qu'il t'adore...
J'ai répondu sur un ton léger, sans encenser Hugo, sans non plus le dénigrer, au moins nous parlions d'autre chose que les sentiments obscurs et noirs que ruminait David ; je voyais David reprendre du poil de la bête pour essayer de se remettre "à la hauteur" de Hugo, je sentais qu'il voulait rester le meilleur entre eux deux.
Cette petite conversation lui a à la fois fait prendre conscience du fait qu'Hugo n'était pas "n'importe qui", avec lequel je tentais de l'oublier, il lui a aussi fait réaliser qu'Hugo aussi a ses faiblesses, qu'il n'y a pas non plus qu'Hugo dans ma vie, que je ne l'oublie pas, lui, David, mais qu'à présent j'ai aussi d'autres centres d'intêrets...
Pourtant, je ne sais pas, à un moment, il a eu soudain un regard triste, il m'a regardé et il m'a dit : "Tu me manques, c'est affreux. Je t'aime, je t'aime tout le temps. J'arrive pas."
C'était terrible, il y a eu un grand silence, immense, je ne savais pas quoi faire, pas quoi dire, c'est terrible d'être aimée comme ça, c'est tellement beau et tellement douloureux, parfois j'ai envie d'être six mois en arrière, de tout oublier, de me faire effacer la mémoire et de tout recommencer, comme dans Eternal Sunshine of the Spotless Mind...
Il parassait si ému, tout fragile, presque petit, si dépendant de ma présence, j'ai senti qu'il ne fallait surtout pas que je le blesse.
Je lui ai caressé les cheveux, tout doucement. Il était allongé sur la canapé, et moi assise, genoux repliés sous moi, juste à coté de lui, sur ce canapé très large, et tiens, je me rappelle... celui sur lequel nous avons tant de fois été un seul et même corps.
Il me regardait d'une façon si intense... Ca me brûlait de l'intérieur, et en même temps, c'était doux, très doux, comme une petite mort intérieure, qu'on ne regrette pas tellement, mais parfois, la douleur ressurgit, un peu...
Je l'ai embrassé sur la joue. Et je lui ai dit : "Tu sais que je tiens à toi. Je ne pourrai pas t'oublier. Jamais. Il faut que tu le comprennes".
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Je l'ai encore embrassé, et là, ça a été horrible ; il a cherché mes lèvres, il a pris mon visage entre ses mains, et il l'a pressé contre le sien, j'étouffais, je me suis débattue, j'ai crié, je me suis arrachée de lui, je me suis retrouvée debout, en plein milieu du salon, il pleurait, il m'a crié : "Tu me détruis", c'était affreux, affreux, affreux, j'ai eu mal, j'ai eu mal.
Putain qu'est-ce qu'il m'a fait mal. J'ai crié : "Tu n'es qu'un égoïste salaud connard petit bourgeois intello imbu de lui-même et sa souffrance de son petit coeur de con égocentrique, ta souffrance, ta souffrance ta souffrance mais tu ne sais que parler de ça ta souffrance! Et les autres tu y penses, hein et les autres hein? Je pourrais très bien t'oublier, tirer un trait sur toi pour ce que tu m'a fait tu n'es pas la seul à souffir! Je te déteste! Je te déteste parfois, c'est horrible comme je te hais de me faire ça! Je ne suis pas la seule à faire du mal, toi aussi tu es très doué pour ça!"
Je criais enfin toute ma propre souffrance, j'en avais fini de faire abstraction de moi pour me plier à l'autre, j'avais envie de lui dire à quel point il m'a fait mal, mal, ce con, j'avais envie de lui faire mal en criant, vraiment, vraiment.
J'ai fini, j'étais à bout de souffle, haletante, presque. J'avais la sensation d'avoir expulsé tout le charbon qui m'engluait de l'intérieur. J'avais envie de le gifler.
"Il y a des jours ou je suis détestable", il a dit.
J'ai pleuré. Toute seule, debout au milieu du salon.
Il y a eu un long moment de rien. Il pleurait, je pleurais.
Puis il m'a dit : "Pardon,pardon, pardon..." Il l'a repèté je ne sais
combien de fois, on aurait dit une litanie, qu'il murmurait entre deux
sanglots, il était assis sur la canapé à présent, on aurait qu'il avait
conscience d'avoir perdu sa dignité, mais qu'il cherchait à la retrouver,
toujours...
J'avais mal pour lui, je ressentais une immense pitié ; pas une pitié teintée
de misérabilisme, une pitié méprisante, non, une pitié pleine d'affection, une
pitié que l'on ressent lorsque l'on voit un être aimé qui souffre, dans un état
misérable, tout petit, nu, perdu, seul.
Je suis venue m'asseoir contre lui, je l'ai serré contre moi, je lui ai dit :
"il faut que tu arrêtes... Tu me fais autant de mal qu'à toi." Il
pleurait encore, un peu, et a dit, à peine murmuré : "Je ne voudrais
surtout pas faire ça. Pardon, pardon..."
On est restés longtemps comme ça, serrés l'un dans les bras de l'autre, puis il
s'est endormi. On était allongés sur le canapé, moi un peu sur lui, lui un peu
sur moi. Je me suis endormie aussi.
A un moment, je me suis réveillée, il faisait nuit. J'ai refermé les yeux. Il
n'étais pas allongé à côté de moi. J'ai vu à travers mes paupières presque
closes, qu'il était assis à l'autre bout du canapé. Il ne dormait plus. Il a
tourné la tête vers moi et s'est approché. Je sentais toute sa présence juste à
côté de moi, je pressentais ce qu'il allait faire, et je ne le voulais pas, et
en même temps une part de moi-même criait : "Ne bouge pas, ne bouge pas,
laisse-le faire"
J'ai fait semblant de faire un mouvement dans mon sommeil, il s'est retiré très vite.
Puis je l'ai senti se coucher contre moi, comme avant que nous nous endormions. Il a posé la tête sur mon épaule. Il tremblait un peu.
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Et tout à l'heure, je me suis réveillée. Il dormait contre moi comme un petit enfant, il avait l'air si doux dans son sommeil... Peut-être sont-ce les sentiments que j'ai eu pour lui qui me font projeter, je ne sais pas.
C'est terrible d'être aimée comme ça...
Il s'est réveillé, m'a vue debout, m'a demandé : "Tu pars?" "Oui."
"Alors reviens vite..." "Je ne sais pas, David. D'autres gens ont besoin de moi, aussi... Il faut que tu te ressaisisse, j'ai confiance en toi..." Je lui ai donné toutes les paroles de force possible, j'avais envie qu'il redevienne comme avant, ce n'est pas possible d'être aussi malheureux que ça, sois fort David, la vie continue, j'avais envie de le serrer fort dans mes bras pour lui transmettre toute l'énergie du monde, il qu'il redevienne, grand, beau et fort comme avant, comme avant...
Il m'a encore regardée... "Alors, tu pars". "Oui. Vraiment. David, je ne t'oublierai pas, promis." "Tu reviendras?" "Oui, promis. A une condition... Sois fort, guéris." Et il m'a répondu quelque chose qui m'a marquée : "Les maladie d'amour sont chroniques."
Je me suis efforcée de sourire, j'ai reconnu son sens de la répartie si littéraire, subtil, qui le servait si bien pour exprimer tout en finesse ce qu'il ressentait, et je lui ai dit : "Pas toujours. La vie est ailleurs que dans
Je lui ai souri. Il m’a
timidement souri. Il était vraiment beau, en cet instant. Comme s’il avait pris
conscience de cette dernière phrase. J’étais fière d’avoir réussi un peu à lui
rendre le sourire.
« Merci Viva. C’était
bien. Je suis content de t’avoir vue. Je vais essayer, promis. »
Et je suis partie.
Ca y est. Et ça, c’était tout
à l’heure. Il faut laisser le temps passer un peu. Je me sens vidée de mes
forces, et pleine de nouvelles forces. Je me sens l’âme d’un paradoxe. Paradoxe
vivant, c’est épuisant.
Commentaires :
Re:
Re:
Bon...pour faire original... je suis d'accord avec les autres !
Et... je vois que tu n'as besoin d'aucun conseil avec David... tu te débrouilles très bien... C'est une jolie histoire... :)
Re:
c'est sublime
ca donne de la magie quand on le lit
un seul mot
FELICITATION
Picture Of My Life
Quand j'ai lu ce texte, il y a une chose qui est venue avant les autres. La boule dans la gorge. Cette boule qui ressurgit de nulle part sans trop qu'on comprenne d'où elle vient, ni pourquoi elle apparait.
Puis après, il y a le "je-me-mets-à-la-place-de-l'auteur".. Et là, ce sont les larmes qui viennent. Ca fait comme une douleur, de se sentir triste. De se sentir aussi triste que toi. Ou que lui. De sentir vos douleurs. Si différentes et si complémentaires.
Ton article, comme son titre, est émouvant. Comme cette chanson où je finis toujours par pleurer. Comme ton texte, où l'on finit par pleurer.
Je sais que je suis en retard, que je suis à plus d'un mois de retard. Mais autant payer l'impôt maintenant. Même si cet impôt là, je te l'offre. Je te souhaite beaucoup de courage.
Tu as de l'honneur à faire ce que tu fais pour lui. Je ne sais pas si j'en serais un jour capable. J'espère ne jamais "devoir y passer", comme on dit vulgairement.
En passant,
ArnoldLayne.
Re: Picture Of My Life
Je crois que si mes écrits trouvent une telle résonnance, c'est que, en fait, je ne suis qu'une personne "comme les autres". Parce que ce qui m'arrive, je ne pensais jamais devoir y être confrontée, et que cela peut débouler dans la vie de chacun. Même si je ne le souhaite à personne.
Cela n'a pas d'importance, que ce commentaire arrive "avec un mois de retard"... au contraire, ce n'est pas du retard, c'est plutôt un regard sur mes articles. un regard qui a lu, vraiment, et qui a pensé, pas juste un petit mot qui ne veut rien dire.
Alors merci,
et à la prochaine.
AnnaH